Sachez vous adapter

Par Sylvie Lemieux | 4 novembre 2019 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Photo d'un enfant avec une ampoule allumée attachée sur la tête, symbolisant une idée, l'innovation.
Photo : yarruta / 123RF

Ennemie des décisions d’investissement, l’émotion devient l’atout des conseillers lorsque vient le temps d’établir une relation de confiance avec leurs clients. Pour réussir, ceux-ci doivent aussi savoir s’adapter.

Les panélistes du Forum exécutif Morningstar, qui s’est tenu à Montréal jeudi dernier, étaient unanimes à ce sujet.

« Savoir gérer l’aspect émotionnel, c’est ce qui aide le conseiller à se différencier », affirme Omar Rayes, vice-président, Ventes Québec, à Forstrong Global.

Tout est dans l’art de créer un véritable lien avec l’investisseur.

« Le client sera alors plus enclin à s’ouvrir sur différents aspects de sa vie, son couple, ses enfants, la situation de ses parents. Il va s’intéresser à des services qu’il n’aurait pas demandés autrement », explique Joël Carrier, vice-président et directeur de marché à BMO Banque privée.

« La personnalisation du conseil devient plus répandue », constate pour sa part Claudyne Bienvenu, vice-présidente pour le Québec et l’Atlantique de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

Il faut aussi faire preuve de souplesse, car les attentes des investisseurs tendent à changer.

« Avant, ils voulaient un conseiller pour les aider à devenir riches. Aujourd’hui, ils préfèrent quelqu’un qui saura les accompagner aux différents moments de leur vie », explique Omar Rayes.

PROFIL RECHERCHÉ

Par conséquent, les firmes ont modifié leurs critères de recrutement. Le curriculum vitæ, aussi étoffé soit-il, a moins d’importance qu’avant. Ce qui est davantage pris en compte, c’est la performance à l’entrevue. Les responsables de l’embauche veulent savoir si le candidat a les capacités relationnelles souhaitées, explique Joël Carrier.

« Il ne faut pas oublier que 80 % des femmes changent de conseiller durant la première année qui suit le décès de leur mari ou conjoint, ajoute-t-il. D’où l’importance pour le professionnel de développer une véritable relation avec les proches de ses clients. »

Selon une récente étude de l’OCRCVM menée avec Accenture, près de mille milliards de dollars du patrimoine des particuliers seront transférés à une autre génération d’ici 2026. Les femmes vont contrôler une bonne part de ces avoirs, puisqu’elles sont plus nombreuses à survivre à leur conjoint, souligne Claudyne Bienvenu.

Une autre clientèle demande d’adapter son approche : les Y.

« On dessert de plus en plus les enfants de nos clients. Ces jeunes sont fidèles aux marques, mais ils n’ont pas la même attitude face aux institutions financières. Ils sont davantage guidés par leurs émotions et ont tendance à changer facilement de conseiller », constate Joël Carrier.

« Les Y veulent vivre selon leurs valeurs. Ils vont placer leur argent en fonction de celles-ci. Les placements suivant les critères ESG [environnementaux, sociaux et de gouvernance] sont apparus avec l’arrivée de cette nouvelle génération d’investisseurs », affirme Omar Rayes.

DE NOUVELLES RÉALITÉS

De leur côté, les baby-boomers cherchent plus qu’avant à partager leur patrimoine avant leur décès.

« Ils veulent, par exemple, contribuer à l’achat de la première maison de leur enfant. Il y a aussi les grands-parents, qui désirent aider financièrement leurs petits-enfants, que ce soit en payant les frais de scolarité de l’école privée ou pour acquérir un bien », explique Joël Carrier.

Beaucoup de conseillers font aussi face à l’augmentation du nombre d’investisseurs vulnérables, qui ont besoin de conseils plus approfondis. Ils exigent également la mise en place de mesures pour prévenir l’exploitation financière.

« Il faut aborder le sujet avec son client avant qu’il ne soit en état de vulnérabilité à cause de la maladie, conseille Claudyne Bienvenu. C’est la même chose que pour le mariage, il vaut toujours mieux parler de l’éventualité du divorce quand tout va bien dans le couple. Cela reste néanmoins des sujets délicats à aborder et peu de personnes sont prêtes à en parler. »

AVANCÉES TECHNOLOGIQUES

Robots-conseillers, plateformes numériques, infonuagique, intelligence artificielle… Les nouvelles technologies appliquées à la finance changent profondément la relation avec le client.

« Aujourd’hui, l’information financière est accessible en tout temps. Cela fait en sorte que l’investisseur peut réagir rapidement et de façon impulsive. Prendre des décisions d’investissement un samedi soir à partir [d’informations lues sur] son cellulaire, ça n’a pas de bon sens », affirme Claudyne Bienvenu.

« Il y a des clients qui deviennent nerveux très rapidement lors des fluctuations des marchés, renchérit Joël Carrier. L’investisseur ne devrait pas surveiller ses placements tous les jours. Quand on possède un immeuble à revenus, on ne le fait pas évaluer chaque mois. Les stratégies de placement doivent être gérées comme cet actif. »

L’analyse de données avec l’intelligence artificielle n’a pas non plus fini de transformer l’industrie. « Elle permet d’arriver avec une offre spécifique aux particularités du client pour combler un besoin qu’il ne soupçonne peut-être même pas avoir », soutient-il.

À l’OCRCVM, le département de l’analytique est celui qui connaît actuellement la croissance la plus rapide. « Les systèmes permettent de surveiller un milliard d’opérations sur les marchés en temps réel, explique Mme Bienvenu. On a besoin de l’intelligence artificielle, mais il faut bien la comprendre. Il faut plus de formation et de réflexion. »

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Sylvie Lemieux

Sylvie Lemieux est journaliste pour Finance et Investissement et Conseiller.ca. Auparavant, elle a notamment écrit pour Les Affaires.