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De fait, tout est dans l’art de créer un véritable lien avec l’investisseur et la connexion émotive devient l’atout des conseillers en services financiers pour établir cette relation de confiance avec le client, s’entendent pour dire les panélistes.

« Le client sera alors plus enclin à s’ouvrir sur différents aspects de sa vie, son couple, ses enfants, la situation de ses parents. Il va demander des services qu’il n’aurait pas demandé autrement », explique Joël Carrier, vice-président et directeur de marché chez BMO Banque privée.

Les attentes des investisseurs tendent toutefois à changer. « La personnalisation du conseil devient plus répandue », constate Claudyne Bienvenu, vice-présidente pour le Québec et l’Atlantique de l’Organisme canadien de règlementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).

« Avant, ils voulaient le conseiller financier le plus intelligent pour les aider à devenir riche. Aujourd’hui, ils disent plutôt : Keep me rich !, souligne Omar Rayes. Ils veulent un conseiller qui saura les accompagner aux différents moments de leur vie. »

Profil recherché

Signe des temps, les firmes ont modifié leurs critères de recrutement. Le cv, aussi étoffé soit-il, a moins d’importance qu’avant. C’est la performance à l’entrevue qui est davantage prise en compte. Les recruteurs veulent savoir si le candidat a les capacités relationnelles souhaitées, explique Joël Carrier.

« Il ne faut pas oublier que 70 % des femmes changent de conseiller durant la première année qui suit le décès de leur mari ou conjoint, signale-t-il. D’où l’importance pour le conseiller de développer une véritable relation avec les proches de ses clients. »

Selon une récente étude de l’OCRCVM menée avec Accenture, près de mille milliards de dollars du patrimoine des particuliers seront transférés à une autre génération d’ici à 2026. Les femmes vont incidemment exercer un contrôle sur une bonne part de ces avoirs, anticipe Claudyne Bienvenu.

Une autre clientèle qui demande d’adapter son approche : les milléniaux.

« On dessert de plus en plus les enfants de nos clients. Ces jeunes sont fidèles aux marques, mais ils n’ont pas la même attitude face aux institutions financières. Ils sont davantage guidés par leurs émotions et ont tendance à changer facilement de conseiller », constate Joël Carrier.

« Les milléniaux aiment vivre leurs valeurs. Ils vont placer leur argent en fonction de ces valeurs. Les placements ESG [avec critères environnementaux, sociaux et de gouvernance], sont apparus avec l’arrivée de cette nouvelle génération d’investisseurs », affirme Omar Rayes.

De nouvelles réalités

Un phénomène en croissance : les baby-boomers cherchent plus qu’avant à partager leur patrimoine avant le décès. « Ils veulent, par exemple, contribuer à l’achat de la première maison de leur enfant. Il y a aussi les grands-parents qui veulent aider financièrement leurs petits-enfants, que ce soit en payant les frais de scolarité de l’école privée ou pour acquérir un bien », explique Joël Carrier.

Beaucoup de conseillers font aussi face à une nouvelle réalité : les investisseurs vulnérables, qui ont besoin de conseils plus poussés, voire davantage personnalisés. Ceux-ci exigent également la mise en place de mesures visant à prévenir l’exploitation financière. « Il faut aborder le sujet avec son client avant qu’il ne soit en état de vulnérabilité, par exemple à cause de la maladie, conseille Claudyne Bienvenu. C’est la même chose que pour le mariage, il vaut toujours mieux parler de l’éventualité du divorce quand tout va bien dans le couple. Cela reste néanmoins des sujets délicats à aborder et peu de personnes sont prêtes à en parler. »

Avancées technologiques

 Robot-conseiller, plateforme numérique, infonuagique, intelligence artificielle… Les nouvelles technologies appliquées à la finance changent profondément la relation avec le client.

« Aujourd’hui, l’information financière est accessible en tout temps. Cela fait en sorte que l’investisseur peut réagir rapidement et de façon impulsive. Prendre des décisions d’investissement un samedi soir à partir de son cellulaire, ça n’a pas de bon sens », affirme Claudyne Bienvenu.

« Il y a des clients qui deviennent nerveux très rapidement lorsque les marchés fluctuent, renchérit Joël Carrier. L’investisseur ne devrait pas surveiller ses placements tous les jours. Quand on possède un immeuble à revenus, on ne le fait pas évaluer chaque mois. Les stratégies de placement doivent être gérées comme cet actif. »

L’analyse de données par le biais de l’intelligence artificielle n’a pas fini de transformer l’industrie. « Elle permet d’arriver avec une offre spécifique au client face à un besoin qu’il ne soupçonne peut-être même pas », soutient Joël Carrier.

À l’OCRCVM, le département de l’analytique est celui qui connaît la croissance la plus rapide. « Les systèmes permettent de surveiller 1 milliard d’opérations sur les marchés en temps réel, explique Claudyne Bienvenu. On a besoin de l’intelligence artificielle, mais il faut bien la comprendre. Il faut plus de formation et de réflexion. »