L’AMF envisage de revoir le cadre réglementaire

Par Siham Lebiad | 20 février 2020 | Dernière mise à jour le 15 août 2023
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Louis Morisset

L’Autorité des marchés financiers (AMF) entend revoir la réglementation de l’industrie financière. Une avenue qui passe par les nouvelles technologies, selon son PDG Louis Morisset.

Ce dernier a profité d’une conférence présentée ce mardi à Montréal pour expliquer les principaux projets de l’organisme de réglementation, ainsi que les défis dominants auxquels fait face l’industrie financière.

La question de la rigidité des lois actuelles et de la nécessité d’assouplir le cadre réglementaire a été abordée, une possibilité que ne nie pas le PDG.

« Il est sain de se demander si on est allé trop loin dans la réglementation du secteur financier. Il faut déterminer s’il y a lieu de faire des ajustements pour le rendre plus efficace. »

Une telle solution passerait nécessairement par les nouvelles technologies, juge-t-il, d’où l’intérêt grandissant de l’AMF pour la fintech. On note également une volonté d’encadrer le marché de la cryptomonnaie et de sécuriser les technologies liées à l’industrie financière.

ÉVITER LA RÉPÉTITION D’UN SCANDALE

Le président a évoqué l’exemple de Quadriga, une entreprise canadienne de négociation de cryptomonnaie, afin de démontrer l’importance de se concentrer davantage sur ce domaine.

Pour rappel, près de 115 000 utilisateurs de la plateforme ont perdu 74,1 millions de dollars en espèces et 140,4 millions de dollars en cryptomonnaie lors d’une fraude massive survenue entre 2016 et 2019.

L’AMF compte empêcher qu’un tel scandale ne se reproduise en resserrant le cadre réglementaire entourant les cryptomonnaies et en développant ses habiletés en matière de fintech, explique le président.

« Nous avons mis en place un laboratoire fintech et j’en suis particulièrement fier, déclare-t-il. Principalement, nous avons décidé d’explorer nous-même les technologies afin de pouvoir encadrer de manière efficace un marché qui repose sur celles-ci. On s’intéresse plus spécialement à la blockchain et la cryptomonnaie. Nous voulons vraiment comprendre cet environnement pour éventuellement proposer des solutions réglementaires à des problèmes reliés à ce type de plateformes. »

Le problème principal est que les devises virtuelles ne peuvent être catégorisées ni comme valeurs mobilières ni comme produits dérivés. Elles sont considérées comme des marchandises livrées au client, ce qui leur permet d’échapper au cadre réglementaire.

UNE COOPÉRATION PLUS LARGE

Interrogé par un membre de l’assistance qui affirmait que le Canada et l’Azerbaïdjan sont les seuls pays à ne pas avoir d’organisme national de réglementation des valeurs mobilières, Louis Morisset a formulé son désaccord quant à l’efficacité d’un tel organisme.

Selon lui, la création d’un organisme pancanadien de réglementation des valeurs mobilières occulterait la représentation de certaines provinces, dont le Québec. Il serait mieux d’établir un système collaboratif plus étendu, à l’instar du régime de passeport (auquel l’Ontario refuse toujours d’adhérer), croit-il. Ce régime permet aux participants d’accéder aux marchés canadiens en ne traitant qu’avec l’autorité principale de leur province et en respectant des dispositions législatives harmonisées.

Il a cependant insisté sur l’importance d’avoir une meilleure collaboration à l’international, notamment pour aider les entreprises à s’exporter plus facilement à travers la planète.

« Nous avons signé des ententes bilatérales avec des autorités d’autres pays dans le domaine de la coopération en matière fintech et nous sommes un membre fondateur du Global Financial Innovation Network (GFIN), qui vise à favoriser l’établissement des entreprises [d’innovation financière] dans des juridictions différentes », explique-t-il.

Louis Morisset est aussi revenu sur le scandale entourant la fuite d’informations chez Desjardins et Capital One, insistant sur l’importance de non seulement renforcer les systèmes de cybersécurité en place, mais aussi d’éduquer le grand public sur les manières de protéger ses données personnelles.

« S’il y a une leçon à tirer de ces incidents, c’est que nous devons faire de la protection des données une première priorité, insiste-t-il. Il n’y a aucune défense qui est absolument imparable, mais la réalité est que le risque technologique est omniprésent, ce qui peut avoir des répercussions importantes sur la réputation des institutions, en plus d’entraîner des risques pour les clients. Nous avons d’ailleurs développé des lignes directrices sur le risque des technologies de l’information et de communication qui s’adressent aux institutions financières québécoises. »

Siham Lebiad