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À la fin de juillet, le ministère des Finances du Canada a accordé aux FNB une extension d’un an pour mettre en oeuvre une disposition qui restreint un avantage fiscal qui était permis avant le budget fédéral de 2019. Puis, à la fin d’août, Horizons ETFs Management (Canada) annonçait qu’elle prévoyait transformer 44 de ses FNB en fonds communs constitués en société par actions, aussi connus sous le nom de corporate class.

Ainsi, Ottawa a publié un projet de loi concernant la méthode «d’attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat». Ce document accorde aux FNB une extension d’un an pour mettre en oeuvre une disposition relative aux gains en capital.

Celle-ci, qui avait été présentée dans le budget fédéral de 2019, est contestée. La législation assouplit également une obligation relative au calcul des prix de base des détenteurs d’unités de fonds communs de placement.

«La loi proposée nuance en quelque sorte les amendements proposés qui figuraient dans le budget de 2019», indique un bulletin fiscal rédigé par Michael Friedman en collaboration avec Ehsan Wahidie, avocats chez McMillan LLP, de Toronto. «Ce sont assurément des changements positifs», dit Michael Friedman.

Le budget fédéral de mars proposait de restreindre la capacité des fiducies de fonds communs de placement à déduire des revenus ou des gains en capital lorsque des détenteurs d’unités rachetaient des unités. Ces propositions touchent toutes les fiducies de fonds communs de placement (y compris les FNB) qui utilisent la méthode «d’attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat».

Dans le projet de loi de juillet, «il n’y a vraiment aucun changement quant aux dispositions de fond», dit Nigel Johnston, associé du groupe de fiscalité chez McCarthy Tétrault LLP, à Toronto.

Si le projet de loi est adopté, la Loi refusera les attributions de revenu ordinaire aux bénéficiaires si les produits provenant du rachat du détenteur d’unités sont réduits par l’attribution. Tel que prévu, ceci s’appliquerait à toutes les fiducies de fonds communs de placement pour les années d’imposition commençant après le 18 mars 2019.

Le budget proposait également de refuser que la fiducie de fonds communs de placement (FFCP) puisse attribuer des gains en capital excédentaires aux détenteurs d’unités qui rachètent des unités. À la place, seuls les gains appropriés devraient être attribués à ces détenteurs d’unités.

Le projet de loi comprend une formule de calcul permettant de déterminer quelles déductions de gains en capital seront refusées. Une FFCP ne pourrait attribuer à un détenteur d’unités tout gain provenant d’un rachat excédant ce qui serait réellement réalisé par le détenteur d’unités.

Le projet de loi contient également deux modifications administratives, qui «résultent du fait que [le ministère des] Finances [du Canada] a écouté les préoccupations des acteurs de l’industrie», dit Minal Upadhyaya, vice-présidente, politiques, et conseillère juridique à l’Institut des fonds d’investissement du Canada (IFIC).

Selon le projet de loi, les dispositions relatives aux gains en capital s’appliqueront aux FNB pour les années d’imposition commençant après le 20 mars 2020, mais s’appliqueront à toutes les autres fiducies de fonds communs de placement pour les années d’imposition commençant après le 18 mars 2019.

Avec ce changement, «le gouvernement envoie le message : « Nous allons accorder un peu de répit pendant que nous poursuivons les discussions avec l’IFIC et les autres organismes de l’industrie pour voir s’il est nécessaire de réfléchir à nouveau aux [propositions] »«, dit Nigel Johnston.

À la suite de la publication du budget de 2019, des groupes de l’industrie des fonds d’investissement ont exprimé des préoccupations quant à la difficulté de calculer le prix de base d’un détenteur d’unités, soit le montant nécessaire pour déterminer les gains en capital appropriés à attribuer au détenteur d’unités qui rachète des unités.

Du fait que les manufacturiers de FNB négocient avec les courtiers désignés, aussi appelés mainteneurs de marchés, et non directement avec les détenteurs d’unités, un manufacturier de FNB n’a pas «l’investisseur particulier dans son champ de vision direct», dit Minal Upadhyaya.

Par conséquent, il est difficile, sinon impossible, pour les manufacturiers de FNB de connaître l’identité des détenteurs d’unités et les prix de base. Ce qui signifie qu’il est également difficile d’attribuer avec précision les gains en capital lors du rachat.

Si un FNB ne peut attribuer les gains en capital avec précision, le fonds devra se fier au mécanisme de remboursement au titre des gains en capital, dont le ministère des Finances du Canada reconnaît les défauts, car il peut entraîner une double imposition pour les détenteurs d’unités.

Avec le mécanisme de remboursement existant, «on peut avoir des cas où des gains en capital additionnels sont attribués aux détenteurs d’unités restants d’une manière qui serait injuste», dit Michael Friedman.

«Le délai d’un an accordé aux FNB nous permet de réfléchir pour voir s’il existe une façon de mieux composer avec la situation fiscale», dit Pat Dunwoody, directrice générale de l’Association canadienne des FNB (ACFNB).

Le motif du gouvernement pour cibler la méthode d’«attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat», tel qu’il a été invoqué dans le budget, est d’empêcher certaines fiducies de fonds communs de placement de sur-attribuer des gains en capital aux rachats des détenteurs d’unités, ce qui selon le budget «entraîne un report abusif» d’impôt.

Le gouvernement considère que changer les règles de l’«attribution aux détenteurs d’unités demandant le rachat» rapporterait des revenus de 350 M$ de l’année d’imposition 2019 à l’année d’imposition 2024, soit davantage que le montant rapporté grâce aux efforts investis pour augmenter la conformité fiscale.

«Des efforts raisonnables»

Alors que les fonds communs de placement n’ont pas les mêmes problèmes de «champ de vision» que les FNB, les premiers font tout de même face aux défis du calcul des prix de base des détenteurs d’unités. Par exemple, certains détenteurs d’unités détiennent des unités immatriculées au nom d’un prête-nom (nominee name), alors que d’autres détiennent des unités au nom du client. Les clients peuvent également détenir les mêmes unités du même fonds par l’intermédiaire de multiples courtiers différents.

La deuxième modification administrative du projet de loi signifierait que les manufacturiers de fonds n’ont besoin de fournir que «des efforts raisonnables» pour déterminer les prix de base d’un détenteur d’unités. Dans les notes explicatives du projet de loi, l’effort raisonnable est défini comme l’utilisation de «registres des prix de souscription initiaux payés au moment d’acquérir les unités» et de «renseignements précis quant aux opérations liées aux unités». Si le manufacturier de fonds ne possède pas cette information, il devra faire «des efforts raisonnables» pour l’obtenir, «par exemple, au moyen de demandes de renseignements auprès de tiers ou par une recherche dans les dossiers pertinents».

Selon les notes explicatives, le ministère des Finances du Canada ne s’attend pas à ce qu’une fiducie de fonds communs fasse «des demandes de renseignements concernant des facteurs externes (c’est-à-dire des événements qui ne concernaient pas la fiducie de fonds communs de placement ou des opérations auxquelles la fiducie de fonds communs de placement n’était pas partie) a moins que la fiducie de fonds communs de placement ait des motifs de croire en l’existence de tels facteurs externes et qu’ils pourraient avoir une incidence sur le coût indique des unités».

Nigel Johnston, membre du Comité sur la fiscalité et la réglementation de l’industrie de l’Association des gestionnaires de portefeuille du Canada et du Groupe de travail sur la fiscalité de l’IFIC, qualifie ce critère de «solution assez concrète».

Toutefois, Michael Friedman souligne que l’expression «efforts raisonnables» est ambiguë : «Il faut espérer que [l’Agence du revenu du Canada (ARC)] émettra des indications claires, au cours de la prochaine année, pour dire ce qu’elle attend réellement.»

Au lieu d’un critère d’efforts raisonnables, Michael Friedman préfère que le ministère des Finances du Canada se concentre sur «le problème qu’il a essayé de régler, c’est-à-dire la sur-attribution délibérée de gains en capital par les fiducies de fonds communs, et peut-être qu’il insère dans la nouvelle loi un critère d’objectif [spécifiant] que si l’un des objectifs était de sur-attribuer des gains en capital, alors cet article [de la loi] s’appliquerait.»

Minal Upadhyaya affirme que l’IFIC étudiera en détail le projet de loi pour voir si le critère d’«efforts raisonnables» est «viable pour [ses] membres».

Entre-temps, selon Michael Friedman, les conseillers concernés peuvent «faire enquête sur un fonds pour savoir s'[il aura] une politique officielle concernant ce que [le fonds] considère être des efforts raisonnables, et [s’il] documentera ces efforts au cas où l’ARC déciderait de contester ce que [le fonds] a fait». Ceci serait particulièrement important pour les clients ayant des fonds communs de placement non cotés en Bourse (c’est-à-dire pas des FNB), ajoute-t-il, car les règles s’appliquent pour les années d’imposition commençant après le 18 mars 2019.

L’IFIC étudie le projet de loi pour déterminer si l’Institut présentera un autre commentaire avant le 7 octobre, date butoir de la période de commentaires, dit Minal Upadhyaya.

Les députés ne devraient retourner siéger à la Chambre des communes qu’après les élections du 21 octobre. C’est pourquoi il est probable que la loi ne sera pas adoptée avant cette date.

Si un nouveau gouvernement est élu, le projet de loi sera-t-il adopté ? «Nous espérons qu’il le sera, dit Minal Upadhyaya, parce qu’il résulte de discussions entre l’industrie et le ministère des Finances [du Canada], pour tenter de créer une solution qui réponde aux préoccupations du ministère tout en tenant compte des problèmes d’ordre opérationnel de l’industrie.»