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Regards, imaginaires et représentations du silence / Sous la direction de Bernard Troude / Vol.18 N.1 2020

Enjeux entre la « Fashion-Tech » & le silence : étude des cas dans le champ médical

Omar Taktak

taktakomar@yahoo.fr

Docteur en Arts plastiques et Sciences de l’Art - Université Paris 1 Panthéon Sorbonne France, Maitre-Assistant de l’Enseignement Supérieur en Arts et Métiers (spécialité Habillement) - Institut Supérieur des Arts et Métiers de Sfax (ISAMS) Université de Sfax Tunisie.


Mariem Bedbabis

mariem.bd1@gmail.com

Styliste / Designer Textile, Diplômée d’un Master professionnel en design Textile / Habillement - Institut Supérieur des Arts et Métiers Sfax (ISAMS) Tunisie, étudiante en Master de recherche (Mastérante) en design produit - Institut Supérieur des Arts et Métiers Sfax (ISAMS) Tunisie.


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Introduction

 

À l’ère de l’industrie 4.0, l’industrie de la Mode subit des changements à grande échelle en conséquence directe de l’émergence des nouvelles technologies et de leur impact sur la santé et le bien-être humain. Sauf que les fonctions des vêtements sont multiples, allant de la protection, la pudeur, et l’identification, jusqu’à l’interaction avec les autres et avec le corps humain, donnant au mot confort et bien-être une toute nouvelle signification radicale.

 

Les récents progrès de la technologie vestimentaire et les innovations dans le textile sont allés jusqu’à affecter la façon dont nous vivons notre environnement, mais quels enjeux avec le silence ? Le but de cette étude est double. Le premier c’est comment la Mode en tant que phénomène social représente des formes de silence. Le deuxième objectif de l’étude,  s’agit d’étudier comment la « Fashion-Tech » en tant que phénomène à croissance rapide, sera un jalon pour la santé et le bien-être des personnes, ainsi que son rôle dans la manifestation du silence.

 

La mode est un phénomène sociétal

« La mode est avant tout un art du changement » [1].

 

Lorsque nous rencontrons une personne pour la toute première fois, la principale information que nous percevons d’elle est son apparence physique, particulièrement ce qu’elle porte comme vêtement. Objet esthétique, objet d’usage, témoin précieux des époques et des coutumes, ce dernier est, d’abord, une nécessité pour se couvrir et se protéger des aléas climatiques. L’écrivain britannique Thomas Carlyle (1795-1881) soulignait que « l’Homme a besoin de vêtements pour se protéger de la chaleur, du froid, de la pluie, de la neige et de l’insolation » (Carlyle, 1957, parie I, chap. VI).

 

Également, ce même vêtement est une affiche pour se présenter, s’exposer aux yeux d’autrui. D’un bref coup d’œil, nous pouvons évaluer le type d’une personne, ou bien nous pouvons deviner son milieu social, sa personnalité, son tempérament, ses qualités et ses défauts. C’est dans ce sens que le besoin d’apparence est traduit par la naissance de la notion de Mode. Notons que le vêtement ne va pas sans Mode et vice-versa. Bref, la Mode rime avec le vêtement.

 

Quelle définition peut-on donc donner à la « Mode » ? La question est encore en quête de réponse claire et précise, tant le terme est polysémique. « La Mode est versatile autant que peut l’être sa définition » (Fouchard, 2005, p.5) précisait Gilles Fouchard (né en 1955), associé-dirigeant d’une société française spécialisée dans la création de textiles. On pourrait simplifier en définissant la mode en tant que vague d’innovation et d’originalité.  En rupture avec la tradition, c’est un précieux indicateur de l’évolution de notre société.

 

D’où vient, alors, le mot « mode » ? Dérivé du substantif latin « modus », la mode est la manière, la façon d’être qui exprime une transition. Selon le Dictionnaire de L’Académie française (1935), « la mode est une manière de voir et d’agir » (Fouchard, 2005, p.5). Ce terme désigne également « une manière d’être passagère (‘’ la mode vestimentaire ‘’, ‘’ être à la mode ‘’), ou une façon de faire » (Lercher, 1985, p.254), de vivre dans une société et de sentir sa propre unicité comme individu bien vêtu, bien civilisé et bien intégré.

 

Dans le cadre du domaine vestimentaire, la Mode montre toutes les habitudes passagères en relation avec les modèles esthétiques de la société en matière de textiles, mais elle comporte, également, d’autres formes de produits et domaines, à savoir : le maquillage, le parfum, la beauté, etc. La Mode vestimentaire reste « la vogue du moment» qui constitue autant de synonymes. Et si elle indique, communément, l’actualité et la nouveauté, elle est aussi l’expression de ce qui est chic, snob ou tout simplement du bon goût. D’une part, elle exprime la fantaisie, d’autre part, elle annonce un succès de goût et du caprice. Ce qui est « à la Mode », c’est ce qui a plu d’abord à quelques personnes puis à tout le monde.

 

Par ailleurs, la mode ne se limite pas de décrire nos habitudes vestimentaires, elle exprime, de plus, des courants culturels qui affectent le design, l’architecture, les voyages, la littérature, la musique, la cuisine.

 

Paradoxalement, la Mode représente également le reflet des usages, des us et des coutumes ; c’est-à-dire, elle s’inspire souvent des formes et des matériaux du passé, afin de créer des nouveaux styles. Elle exprime l’engouement, le succès et le caractère communicatif. Ceux-ci se traduisent tout particulièrement par l’emploi des anglicismes comme « look » ou bien « Fashion », par exemple. Cette mobilité dans le temps ne peut que renforcer l’historique de la Mode même dans un cadre lointain avant même l’invention du mot « mode » dans le langage humain.

 

Le vêtement serait-il un langage muet ?

 

Dès ses premières apparitions sur terre, l’Homme aimait s’orner de pagnes végétaux, de plumes et de breloques de toutes sortes. Il a utilisé le vêtement comme une deuxième peau pour qu’il soit protégé des intempéries dans les climats froids et/ou chauds.

 

Selon le dictionnaire le Petit Robert, le vêtement se définit comme un produit « des objets fabriqués pour couvrir le corps humain, le cacher, le protéger, le parer (coiffure, chaussures, linge, habits et accessoires) » [2]. D’après cette citation nous distinguons que le vêtement a été utilisé non seulement dans un but de protection contre les rigueurs du climat, mais il était une surface de tissu qui visait à cacher une partie du corps humain : c’est la pudeur. De cela, une multitude de questions vient entourer notre dessein de recherche : qu’est-ce qu’un vêtement ? Pourquoi portons-nous des vêtements alors que nous naissons tous totalement nus ? Le vêtement est-il un objet d’identification ? Le vêtement est-il un langage muet ?

 

Comme défini précédemment dans ce texte, le vêtement est un assemblage de formes, de styles, de couleurs et de matériaux qui nous colle à la peau et qui nous permet d’être affichés. « Il est habit avec lequel on s’identifie au point de ne pouvoir s’en séparer, le vêtement qui colle à la chair. Il est si bien incrusté en nous que l’on est devenu lui » (Descamps, 1972, p.22). Alors, cet objet, en tant que facteur d’identification, permet, de prime abord, d’appartenir à de divers groupes de classement (village, ville, pays, bébé, jeune, vieux, etc.). Nathalie Bailleux (historienne française) et Bruno Remaury (professeur français de communication à l’IFM Paris) expliquaient dans leur livre « Modes et vêtements » : « le vêtement nous renseigne sur son porteur. Il nous indique d’abord la provenance géographique : sari des hindous, boubou des Noirs. Le costume normal celui qui n’aura aucune valeur de signe distinctif dans la région où il est porté, en prend une dès qu’on voyage. Le vêtement indique aussi les différences de statuts, hommes et femmes, enfants, adultes et vieillards » (Bailleux - Remaury, 1995, p.57). Il permet ainsi de classer les membres d’un groupe social en fonction de leur rapport de force : dominants et dominés. Les comportements des uns auront une incidence sur les comportements des autres. Dans ce contexte, « le comportement vestimentaire est un moyen d’identification, par excellence » (Najar, 1995, pp.399-406), disait la professeure à l’Institut supérieur des sciences humaines de Tunis, Sihem Najar.

 

En définitive, le vêtement a passé d’un rôle d’habitacle à un rôle social de premier ordre, il offre à chacun de nous la possibilité de se distinguer ou d’être distingué, de se reconnaitre face à ses pairs, de signaler son identité (sexe et âge), sa religion et sa classe sociale, etc. En bref, il parle de nous. Il nous laisse communiquer en silence, car il exprime « un discours muet que nous tenons aux autres pour les avertir de ce que nous sommes et ce que nous aimons » (Descamps, 1979, p.89).

 

La Mode passe en mode silence

 

Depuis quelques mois, nous sommes devenus entièrement paralysés, car un évènement brusque et imprévu s’est imposé à nous et parvenu à perturber notre vie. En ce temps, le monde vit des moments de silence que jadis nous ne l’avons jamais vécu dans notre ère moderne. En fait, un état de panique universelle qui impose ses restrictions d’isolement à cause du nouveau coronavirus, apparu en Chine en décembre 2019. Baptisée,  également, « Covid-19 », cette pandémie a envahi la planète et a mis fin des bourdonnements confus de la race humaine. Nous sommes arrivés dans une situation où le monde se manifeste inanimé, sans vie et silencieux. Ce silence inattendu du confinement pourrait être entendu comme l’absence de mouvements.

 

Par ailleurs, l’eco-acousticien et l’enseignant-chercheur français au Muséum national d’Histoire naturelle à Paris (MNHN) Jérôme Sueur certifiait que « le confinement de l’épidémie de ‘’Covid-19‘’ réduit nos activités, notamment nos déplacements […]. Ainsi s’amenuise le bruit de notre société agitée et revient le chant printanier des oiseaux amoureux. Il suffit d’ouvrir nos fenêtres pour s’apercevoir que le silence est revenu et que s’entend la nature » [[3]. C’est un calme solennel et un majestueux silence des espaces, qui remplit l’âme d’un sentiment auguste, aussi d’un étonnement qui touche à l’effroi. Et commel’affirmait le philosophe et le pédagogue d’origine bulgare Michaël Omraam Aïvanhov (1900-1986) « Le silence peut exprimer l’arrêt de tout mouvement, l’absence de vie, […] » [4].

 

Puis, pour comprendre davantage ce silence mondial, le professeur de sociologie à l’Université de Strasbourg David Le Breton livrait sa vision d’une société saturée de sons, victime de ce qu’il nomme la tyrannie de la communication. Pour lui, le silence « devient une forme d’opposition quand on se tait de manière délibérée pour traduire un refus, une résistance personnelle à quelqu’un ou à une situation. Mais la possibilité de se taire se perd lorsqu’une société est mise sous le joug et réduite au silence : surveillance de la population, emprisonnement, exil, mise en quarantaine, sont des moyens de contraindre la parole à l’insignifiance, à la solitude » (Le Breton, 1997, p.10).

 

Cette forme d’opposition se manifeste chez la plupart d’entre nous : personne ne déteste d’être élégant et sublime, on aime tous sortir faire des courses et/ou suivre les dernières tendances de la Mode. Néanmoins avec ce début de printemps perturbé de l’année 2020, nous avons été obligés de rester en pyjamas, c’est pour cette raison que « La mode passe en mode silence » [5] comme l’affirmait la journaliste et l’écrivaine française Sophie Fontanel. En outre, les rideaux des magasins et boutiques, y compris les enseignes d’habillements, sont tirés depuis plusieurs semaines, les « fashion weeks » étant annulées. De plus, les commandes en ligne sont en chute à la faveur des produits agroalimentaires et sanitaires, etc. Comme exemple, nous visualisons cette photographie (ci-après) prise le mercredi 18 mars 2020 par le Photographe français Mathieu Menard et montrant nettement l’absence de vie au sein des grands magasins de vêtements sis à l’avenue des « Champs-Élysées », étant surnommée « la plus belle avenue du monde ».

 

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Cette illustration diffuse le début de confinement et reflète le silence total dans les espaces publics, les rues, les avenues, les magasins, les boutiques de Mode de Paris qui ont été désertés de ses passants et de ses clients fidèles.

Somme toute, il ne faut pas ainsi, négliger notre monde qui souffre de cette guerre, qui se prépare à une crise économique majeure et unique, dont on ne peut mesurer l’impact pour l’instant et ses conséquences sur le corps social à court et long terme. Certes, il n’est pas facile de lever la tête pour porter le regard au loin, mais ce qu’on peut l’affirmer c’est que la Mode va récupérer sa place après la fin de cette crise.

 

Enjeux mode, luxe et technologie

 

La Mode, telle qu’on la connaît aujourd’hui, porte d’immenses challenges à venir. Elle est parmi les domaines les plus touchés par l’incertitude économique mondiale ainsi que par les tendances distinctes et les changements industriels. Or, les grandes promesses de l’industrie 4.0 s’agit de fournir des nouvelles occasions d’affaires en intégrant les innovations numériques et technologiques, afin de séduire les consommateurs avec des produits uniques, personnalisés et durables à travers l’exploitation des connaissances digitales qui servent à inventer et réinventer le secteur de la Mode.Par ailleurs, les recherches se focalisent autour des technologies avancées qui pourraient simplifier notre mode de vie ou encore améliorer notre bien-être. En fait, la technologie est au cœur de l’innovation de la Mode et du luxe : nous commençons par les machines de découpe ultra sophistiquée, en passant à des logiciels de Conception Assistée par Ordinateur (CAO) et des logiciels de Fabrication Assistée par Ordinateur (FAO), et en terminant par la suite par des services intelligents (impression trois dimensions, wearables, textiles intelligents…).

 

En effet, la technologie change très rapidement et les fabricants qui possèdent de nouvelles technologies innovantes, ferment leurs portes à de nombreuses startups dans la mesure où produire en petite quantité coûte très cher et il est souvent difficile d’obtenir des échantillons ou prototypes. Or, au milieu de ces évènements, la « Fashion-Tech » pose des questions éthiques concernant le développement durable, c’est parce que le souci environnemental est là encore, en toile de fond. On n’oublie jamais que les vêtements sont classés comme deuxième pollueur au monde.

 

Toutefois, il semble que la fonctionnalisation qu’offre la « Fashion-Tech » sera évidemment, une réponse importante aux enjeux du développement durable. Et cela tient une partie de logique, car les vêtements plus utiles, plus adaptés aux besoins du consommateur et plus polyvalents, deviendront plus durables, moins jetables et moins interchangeables. Il ne fait aucun doute que la Mode constitue un véritable terreau d’innovation, allant bien au-delà de ces industries en plaçant la technologie en son cœur qui aide et sublime les créations vestimentaires, voire offre de nouveaux fonctionnements. Mais quand on parle de création et de créativité, on parle systématiquement de l’imaginaire, alors qu’en réalité, la technologie est devenue coupable en ce qui concerne l’imaginaire.

 

Dans ce contexte Pascal Morand disait que : « Quand on parle du lien entre imagination et technologie, il faut préciser qu’il va dans les deux sens. Parce que la technologie en elle-même émane d’abord de l’imagination. Mais nous sommes maintenant bien au-delà de cette approche rationnelle traditionnelle. C’est un nouveau facteur issu du XXIème siècle » [6]. C’est parce que les technologies se focalisent plutôt vers le côté du fonctionnement en négligeant quelque peu les dimensions esthétiques, autrement dit, la valeur émotionnelle qui plaît les consommateurs. Or, ici vient le rôle des designers d’adhérer leurs arts à la technologie pour créer le triangle sacré « science, art et technologie ». Pour autant, cela n’empêche pas de considérer la « Fashion-Tech » comme un facteur considérable de « puissance douce », un terme étant pris dans le sens analogue à celui de « Soft Power ». En fait, l’intégration de l’innovation fonctionnelle et de la création dans un vêtement de Mode technique porte d’autant mieux ses fruits à travers un écosystème d’affaires soutenu par les gouvernements, et caractérisé par une dynamique inter-entrepreneuriale et organisationnelle apportant souvent un potentiel accru de compétitivité.

 

Dans ce contexte, Mercédès Erra, est une femme d’affaires française et fondatrice de l’agence de pub iconique (BETC) disait : « Nous nous engageons pour cet écosystème en créant le BETC Startup Lab, pour sensibiliser les startupers au pouvoir de la marque. Pour nous, l’accélération arrive quand on aide les startups à devenir des marques et à passer à une autre échelle, plus durable et plus essentielle dans la vie des gens » [7].

 

Les nouvelles technologies ont incontestablement bouleversé notre manière de communiquer et notre rapport à l’autre. Ici, l’information se déplace à la vitesse de la lumière. Les marques utilisent l’ensemble des moyens techniques et innovants, mis à leur disposition comme les plateformes digitales (réseaux sociaux, etc.), pour se rapprocher à leurs communautés qui veulent interagir.

 

Les consommateurs s’inquiètent de leur apparence en public et sur les réseaux sociaux, ainsi que de la perception des biens qu’ils achètent et possèdent. Ici, le rôle du consommateur s’est changé de l’observance passive à la domination activée, on l’appelle data-client. Également, les marques qui veulent prendre part au développement d’une « Fashion-Tech » éthique doivent agir pour donner vie à une Mode innovante et consciente des enjeux de son temps. Il n’est d’ailleurs pas toujours facile d’appréhender ces nouvelles technologies et ces nouveaux outils de communication. C’est parce qu’il n’est pas facile de s’adapter aux besoins de la génération Y (des personnes nées entre le début des années 80 et la fin des années 90) qui, au moment qu’elle entend quelque chose, puis voit autre chose, oublie ce qu’elle avait entendu. Notre génération ne veut pas être désignée comme telle. En fait, l’idée c’est de s’imposer, mais aussi d’affirmer le « moi » en tant que multiplicité d’êtres, ayant ingurgité des milliers de cultures. C’est pourquoi nous plaçons beaucoup d’espoirs dans ce que la technologie peut nous aider à apporter pour un monde meilleur.

 

Enfin, même si notre but est d’assurer notre identité dans une plateforme d’expression durable, on devient d’une manière ou d’une autre, emprisonné dans une bulle technologique, incapable de se taire, mais encore incapable d’écouter. Alors, le silence, dans cette ère d’ultra-connexion, devient une action particulière si difficile à réaliser.

 

Les Wearables « e-textile » technologies à l’épreuve de la spiritualité

 

Le tsunami digital a balayé notre quotidien, les repères fondateurs de la société ont dilué dans ce monde technologique qu’on nous fabrique. Nous manquons de définitions, d’études de cas, d’analyse des notions de base, et l’absence de consensus moral, alors que les chercheurs dans les deux domaines de la Mode et de la technologie ne cessent de chercher à atteindre de nouveaux effets comme celle de la spiritualité.

 

La technologie et la spiritualité n’ont jamais été proches. Ce sont deux concepts de différents fondements. C’est un fait : à première vue, il semble impossible d’établir une relation entre le matériel et l’immatériel, c’est une démarche surprenante tant ces deux éléments semblent s’exclure par nature, mais l’artiste néerlandaise Danielle Roberts (Awareness Lab), adopte un autre point de vue, qui s’agit de positionner la thématique de la spiritualité dans l’univers des « wearables » à travers la création d’une blouse connectée. Celle-ci enregistre, affiche et analyse les données du corps en cours de la méditation.

 

Au préalable, la méditation est, dans une simple définition est l’ : « action de réfléchir, de penser profondément à un sujet, à la réalisation de quelque chose » (Cheppe-Dourte, 2013, p.30). C’est un exercice spirituel mis en œuvre par les anciens, considérer aussi comme une pratique mentale, qui consiste à chercher dans l’intériorité de la personne, la vacuité de l'esprit, la connaissance, l’amélioration et la transformation de soi, ainsi, la recherche de différents états de conscience, de l’apaisement progressif du mental, ou tout seulement, une simple relaxation.

 

Cependant, la méditation est fondée sur diverses techniques telles que l’attention à la respiration, le savoir de s’assoir, le silence, la concentration, et autres. Or, toutes ces techniques traditionnelles incitent l’artiste Danielle Roberts qui fait la méditation depuis 20 ans, à inventer et à innover un costume de méditation de haute technologie portant le nom « the Silence Suit » traduit en français « le costume de silence ». Cette création vestimentaire sert pour inviter les gens à explorer l’importance du silence dans une pratique de méditation pour être la nouvelle technique contemporaine, qui influe la pratique de la méditation. Dans ce contexte, Roberts disait que : « Pendant des milliers d’années, les gens ont utilisé de nombreuses techniques pour influencer et optimiser leur pratique de la méditation, de l’encens aux oreillers en passant par les mantras. Je veux explorer comment les techniques contemporaines peuvent contribuer à une méditation plus profonde. L’objectif final est de rendre la route vers la perspicacité et la compassion plus douce et de soulager la souffrance du plus grand nombre de personnes possible » [8].

 

Conçu en collaboration avec des designers, des scientifiques, des entreprises, des étudiants et l’Université Design Lab de Twente (Pays-Bas) ; le but de ce costume est d’influencer l’activité méditative de la personne en changeant positivement son environnement. Il est ainsi, capable de mesurer la corrélation entre les fonctions corporelles, la qualité de la pratique de la méditation, les facteurs environnementaux, et aide finalement son porteur à s’épanouir et à se développer grâce à la perspicacité et à la conscience. « Soutenant la spiritualité par la technologie, nous explorons le Silence Suit, une tenue de méditation de haute technologie équipée de capteurs biométriques et environnementaux » [9].

 

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Le costume s’agit d’une blouse à capuchon de couleur Camel, ressemblant aux vêtements liturgiques des nonnes et des moines (la coule), il est à la base fabriqué à partir de matériaux naturels (la laine pure et un mélange viscose / modal) et leurs boitiers sont imprimés avec du PLA (Polylactic Acid), un filament fait avec de l’acide lactique. En outre, il est considéré comme costume durable et éthique, qui sert à aider les méditants à acquérir un aperçu et une prise de conscience des moindres détails sous-jacents à leur pratique de méditation.

 

En fait, ce qui distingue le « silence suit », c’est qu’il le premier « wearable » qui donne une image complète sur la condition physique et sur les facteurs environnementaux pendant la méditation, à travers 11 capteurs qui mesurent une variété de paramètres pertinents pour une correcte pratique de méditation tels que ;

Un capteur de fréquence cardiaque pour mesurer les battements cardiaques du médiateur.

Un accéléromètre mesurant la posture, car l’immobilité est cruciale pour approfondir le processus de méditation.

Un capteur d’étirement conducteur qui mesure la respiration dans la poitrine et l’abdomen, car la pratique de « suivre son souffle » est un point d’ancrage important pour son attention pendant la méditation, permettant à son esprit de se détendre et de ne pas être trop distrait.

Un capteur de pression entre les doigts du porteur qui indique la force exercée lorsque le méditant chevauche ses doigts pendant la posture méditative. D’ailleurs, quand la pression est trop forte, cela signifie que la personne est trop tendue.

 

Ainsi, le « silence suit » dispose d’une connexion sans fil avec le logiciel qui lui appartient « Data-server » connecté à une unité d’éclairage intelligent qui peut changer de couleur pendant la session de méditation. Par exemple, la lumière chaude et blanche apporte la relaxation. Une lumière fraiche et blanche est propice à la mise au point, afin qu’il puisse être connecté à une lumière LED sans fil, portable et rechargeable qui peut répondre dynamiquement aux données du méditant.

 

A ce sujet, Danielle Roberts déclarait que : « The Silence Suit consiste en une plate-forme logicielle propriétaire - le Data-server. Il stocke et analyse des données de méditation qualitatives et quantitatives. A l’aide d’un algorithme, le système apprend à mieux connaître le méditant au fil du temps » [10]. En fait, l’enregistrement des données de méditation qualitatives et quantitatives permet, également, aux utilisateurs de peaufiner davantage leurs expériences, de baliser des informations sur les sessions ou d’afficher des graphiques de la session précédemment enregistrée afin de les comparer, pour glaner des informations sur l'évolution de sa pratique. « […], En utilisant la technologie de l’Internet des objets, le serveur de données ajuste automatiquement le facteur environnemental pour créer l’expérience de méditation parfaite », expliquait l’artiste Danielle Roberts.

 

Conclusion

 

La fusion entre la Mode et la technologie est en cours, autrement dit, la « Fashion-Tech » et l’apparition des créations de vêtements fonctionnels élégants comme celle des textiles techniques connectés, des matériaux durables, et des applications personnalisées, se frayant un chemin dans l’écosystème et se prépare un nouveau monde éthique. En effet, les principales innovations des vêtements intelligents et des wearabels, ont connu un développement important ces dernières années. Et comme nos vies « réelles » se mélangent de plus en plus à une existence virtuelle, de nombreux designers ont expérimenté et repoussé les limites de la portabilité. Le résultat de tout cela nous offre un secteur rationalisé tout en offrant simultanément plus d’options que jamais auparavant.

 

L’objectif principal de cet article était de fournir un aperçu sur les possibilités et les enjeux émergents des vêtements, qui se caractérisent par des capacités techniques et numériques, ainsi de montrer comment la technologie avancée, et les composants innovants permettent de fournir un produit avec des capacités actuellement inconnues dans l’industrie de la Mode, voire une expérience hyper-personnalisée. Et le cas « silence suit » était un champ propice et même holistique, qui combine entre les différentes fonctions et les différentes caractéristiques.

 

Bibliographie

 

Nathalie Bailleux et Bruno Remaury, Modes et vêtements, Paris, éd. Gallimard, Coll. Découvertes Gallimard, 1995.

Thomas Carlyle, Sartor Resartus : La philosophie du vêtement, Paris, éd. Aubier Montaigne, 1957.

Vincent & Marie-Hélène Cheppe-Dourte, Changer notre vie en 100 jours : cahier pratique, Paris, éd. F. Lanore, 2013.

Marc-Alain Descamps, Le nu et le vêtement, Paris, Éditions Universitaires, 1972.

Marc-Alain Descamps, Psychologie de la Mode, Paris, PUF, 1979.

Gilles Fouchard, La Mode, Paris, éd. Le Cavalier Bleu, Coll. « Idées reçues », 2005.

David Le Breton, Du silence, Paris, éd. Métailié, Coll. « Traversées », 1997.

Alain Lercher, Les Mots de la Philosophie, Paris, éd. Belin, Coll. « Le français retrouvé n°11 », 1985.

Sihem Najar, Comportement vestimentaire et identification au pluriel, in Sociétés, n°50, Bruxelles, éd. De Boeck Université, 1995.

 

Notes

 

[1] John Galliano, cité par Julien Bellver, « Faut-il changer d’opérateur », in Mobiles magazine n°65, Paris, éd. Oracom, octobre 2003, p. 30.

[2] Le Petit Robert ; Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Paris, éd. Le Robert, 1984, p.2085.

[3] Jérôme Sueur, The Conversation : Dans le silence du virus : quels effets sur les êtres vivants ? [En ligne]. Consulté le 02 Avril 2020. Disponible sur isyeb.mnhn.fr.

[4] Christophe H., Les citations de Michael Omraam Aïvanhov [En ligne].  Consulté le 04 Avril 2020. Disponible sur www.medium-guerisseur.info.

[5] Sophie Fontanel, La mode passe en mode silence [En ligne]. Consulté le 04 Avril 2020. Disponible sur www.nouvelobs.com.

[6] Pascal Morand, Clara Daguin, Bradly Dunn Klerks, Imaginaires & créations de la Fashion-Tech, [En ligne]. Consulté le 07 Avril 2020. Disponible sur www.premierevision.com.

[7] La French Tech : Dossier de présentation, financée par le Programme d'investissements d’avenir (PIA), novembre 2013, p. 8. [En ligne]. Consulté le 21 Avril 2020. Disponible sur www.economie.gouv.fr.

[8] Kimberley Mok, Le costume de silence portable aide à créer « l’expérience de méditation parfaite», [En ligne]. Consulté le 20 Avril 2020. Disponible sur thenewstack.io.

[9] Muchaneta Kapfunde, La combinaison Silence, une méditation portable qui vous donne un contrôle complet sur vos données, [En ligne]. Consulté le 19 Avril 2020. Disponible sur fashnerd.com.

[10] Muchaneta Kapfunde, La combinaison Silence, une méditation portable qui vous donne un contrôle complet sur vos données, [En ligne]. Consulté le 19 Avril 2020. Disponible sur fashnerd.com.

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