Un homme d'affaires montrant un graphique en transparence sur une ville. Autour on voit pleins de petits virus de COVID-19.
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L’épidémie de la COVID-19 a constitué un choc négatif sans précédent pour l’économie canadienne et a plongé les marchés financiers dans la tourmente, mais les premières indications suggèrent que les activités d’investissement résistent remarquablement bien.

L’économie a été massivement touchée – selon les estimations, la chute annualisée du PIB pour le deuxième trimestre s’est élevée à environ 40 %, et 3 millions de Canadiens ont perdu leur emploi en mars et avril. Les mesures de verrouillage d’activités imposées par les gouvernements ont eu des effets très variables selon les secteurs. Les technologies sont florissantes, les ventes d’épicerie sont en hausse et le commerce en ligne est en train de devenir un véritable succès. À l’inverse les compagnies aériennes, les restaurants et l’industrie du spectacle sont frappés de plein fouet.

Jusqu’à présent, le secteur de l’investissement figure aux nombres des gagnants : la grande majorité des entreprises de l’industrie sont toujours rentables, leurs revenus sont solides et l’emploi chez les courtiers en valeurs mobilières n’a jamais été aussi élevé.

Selon les dernières données de l’Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM), près de 80 % des entreprises étaient rentables au cours des cinq premiers mois de 2020. Le passage de l’industrie au travail à distance s’avère fructueux et l’emploi continue d’augmenter, atteignant un niveau record (43 746) à la fin du mois de mai, malgré la pandémie.

Les entreprises maintiennent leur rentabilité en limitant leurs dépenses d’exploitation dans un contexte de baisse relativement modeste de leur chiffre d’affaires global. Les données préliminaires de l’ACCVM indiquent que les revenus ont chuté d’un peu plus de 10 % en mars, lorsque la pandémie a été déclarée. En avril, au plus fort du blocage, les revenus ont fortement rebondi avant de se détendre à nouveau en mai. Ce rebond est attribuable à des pics temporaires dans les opérations sur titres à revenu fixe, la souscription de dettes et les revenus basés sur les commissions.

Au-delà de ces tendances relativement saines, l’industrie ressent tout de même les effets de la pandémie. Par exemple, la composition des revenus se modifie considérablement : certains segments de l’activité – tels que le négoce et la souscription de titres de créance – ont augmenté en réponse à une forte volatilité du marché et à des perturbations économiques, tandis que d’autres – tels que les revenus générés par les intérêts – en souffrent.

Au début de l’année, le secteur des investissements générait environ 1 milliard de dollars (G$) par mois en revenus liés aux intérêts. Ce chiffre est tombé à environ 800 millions de dollars (M$) en mars, avant de chuter à 480 M$ en avril et à seulement 425,9 M$ en mai. L’ACCVM attribue cette baisse à la Banque du Canada qui a réduit les taux d’intérêt de 1,75 % à 0,25 % en mars en réponse à la crise. Cette baisse a obligé les courtiers en valeurs mobilières à resserrer considérablement leurs écarts.

Heureusement, une grande partie de la baisse des revenus liés aux intérêts a été compensée par des gains dans d’autres domaines.

L’arrivée de taux d’intérêt très bas, associée à un besoin urgent de financement dans toute une série de secteurs en raison des blocages, a déclenché une activité de souscription de dette record au cours du deuxième trimestre de cette année.

Dans ce domaine, les recettes ont plus que doublé en avril, passant de 69,3 M$ en mars à 176,8 M$. L’activité s’est ralentie depuis, mais les recettes sont restées élevées en mai (132,2 M$).

Les revenus des prises fermes de titres de participation ont chuté en raison de la forte augmentation de l’activité de la dette en avril, mais les revenus globaux des banques d’investissement sont restés supérieurs à la moyenne pour chacun des mois de mars, avril et mai, selon l’ACCVM.

Parallèlement à la forte activité de financement, les volumes de transactions atteignent également des niveaux records cette année en réponse à la forte volatilité des marchés.

Au cours du premier semestre de 2020, le volume des transactions sur les marchés des actions du Groupe TMX a augmenté de 39,2 % ; l’activité a augmenté d’environ 50 % sur le TSX et le TSX Alpha, les principaux marchés du TMX ; et le volume a augmenté de 13,5 %, ce qui est beaucoup plus modeste, sur son marché du capital-risque.

Grâce à cette augmentation des échanges, les revenus de commissions ont bondi de 58 % en mars (par rapport au mois précédent) pour atteindre 462,5 M$, rapporte l’ACCVM. Depuis lors, les commissions ont diminué pour atteindre des niveaux plus habituels, mais restent supérieures à la moyenne.

Bien que les données sur les commissions n’incluent pas les commissions sur les fonds communs de placement (FCP), ce segment fait preuve d’une remarquable résilience. L’actif sous gestion des FCP ont presque retrouvé leurs niveaux d’avant la pandémie, et les ventes de fonds jusqu’au premier semestre 2020 sont en hausse par rapport aux niveaux de la période correspondante de l’année dernière.

Au 30 juin 2020, l’actif sous gestion total des FCP a atteint 1,6 billion de dollars, soit un peu moins qu’au début de l’année (1,63 billion de dollars), selon les données de l’ACCVM. Au cours des six premiers mois de cette année, les FPC ont géré 7,8 G$ de ventes nettes totales, contre 6,0 G$ à la même période l’année dernière. Cependant, le total de cette année est soutenu par près de 5 G$ de ventes de fonds du marché monétaire, contre seulement 143 M$ pour la même période l’année dernière.

Les fonds équilibrés restent la plus grande catégorie d’actifs des FCP, même s’ils ont subi des rachats nets de 6,7 G$ au 30 juin. Les fonds d’action ont enregistré des ventes nettes de 1,9 G$ cette année, après avoir connu des rachats nets de 5,8 G$ au cours du premier semestre de 2019.

Les ventes de fonds d’obligations sont également positives cette année, malgré des rachats importants en mars qui ont effacé les ventes de la saison des REER du segment.

Les chiffres de vente auraient pu être bien pires pour les fonds d’obligations. Les chercheurs de la Banque du Canada ont constaté que les ventes de fonds d’obligations canadiens ont mieux résisté que prévu en mars, étant donné l’ampleur des perturbations économiques et financières causées par la pandémie. L’étude de la Banque du Canada sur 188 fonds d’obligations canadiens a révélé que le record de 14,4 G$ de rachats en mars aurait dû être deux fois plus élevé. La modélisation de la relation historique entre les ventes et la performance des fonds a indiqué que les rachats auraient dû dépasser les 30 G$ au cours du mois.

Ce résultat meilleur que prévu est attribuable à plusieurs facteurs, notamment les mesures d’urgence de la Banque du Canada pour stimuler la liquidité du marché, et l’assouplissement par les autorités de régulation des valeurs mobilières des limites d’emprunt des fonds obligataires pour s’assurer que les fonds puissent faire face aux rachats sans vendre des montants importants d’actifs sous gestion. Les efforts déployés par les courtiers en valeurs mobilières pour apaiser les clients et les entreprises qui facturent des frais de sortie plus élevés pour refléter le coût élevé de la liquidité ont également contribué à limiter les rachats de fonds obligataires et à éviter une catastrophe dans ce segment du marché.

Les fonds négociés en Bourse (FNB) ont obtenu des résultats encore meilleurs que le segment résilient des FCP. Si les ventes de FCP à long terme sont en baisse par rapport à l’année dernière, ce n’est pas le cas des FNB : les ventes nettes de ces derniers ont doublé cette année, passant de 10,4 G$ au premier semestre 2019 à 20,9 G$ pour les six premiers mois de 2020.

Comme pour les FCP, les FNB sur actions sont en tête, avec des ventes nettes de 15,4 G$ au premier semestre, contre 3,3 G$ pour les six premiers mois de 2019. Les ventes nettes de FNB à long terme et du marché monétaire sont en hausse cette année, ce qui porte les ventes nettes totales à 22,7 G$ au premier semestre 2020, contre 10,8 G$ l’année dernière.

La solidité globale de l’activité de gestion de patrimoine se reflète également dans les données de l’ACCVM sur les revenus de commissions du secteur, qui ont atteint près de 2,5 G$ pour la période de mars à mai. Le mois d’avril a établi un record mensuel historique, avec un total de 910 M$ de recettes, ce qui reflète probablement les records atteints par les marchés avant la pandémie.

Les premiers résultats du secteur de l’investissement sont encourageants, mais il reste à voir si cette solide performance peut être maintenue dans un contexte prolongé de taux ultra bas et d’incertitude économique intense.