UNE RENTRÉE AVEC UN AUTRE REGARD SUR LA VIE ?

Cet été, beaucoup de nos contemporains, plus que les années passées, ont ressenti le fort besoin de prendre l’air en partant en vacances. Depuis la fin du confinement nous essayons tous de nous habituer à un style de vie différent. Nous essayons de relativiser aussi, conscients que bien des populations sur notre terre subissent des épreuves autrement plus difficiles. Pourtant, nous sentons bien que les choses ne sont pas comme avant. Renoncer à la simplicité des contacts multiples du quotidien où l’on ne se posait pas de questions, limiter ou annuler des rencontres familiales,
culturelles, sportives. En ce mois de septembre, bien des activités ne peuvent pas véritablement recommencer, bien des assemblées ne pourront se tenir, où alors avec des précautions requises qui enlèvent une spontanéité nécessaire à notre équilibre.
Je sais que parmi nous des personnes ont souffert du confinement parce qu’elles ont été touchées de près ou de loin par le virus, ou bien parce que le déconfinement n’a pas été si évident à vivre au niveau professionnel ou familial. On peut ressentir comme un contrecoup nourri par cette impression d’inconnu. Une étrange fatigue risque de s’installer, il
s’agit d’être vigilants à l’ égard des uns et des autres, et même indulgents, patients….
C’est un autre regard sur la vie qui s’impose à nous. Comment ne pas s’interroger sur le « monde d’après », comme on l’entend dans les médias. N’y a-t-il pas une occasion à saisir pour notre humanité, un appel à changer notre style de vie ? Le Pape François s’exprimait ainsi dans son message de la Pentecôte : « Lorsque nous sortirons de cette pandémie, nous ne pourrons pas continuer à faire ce que nous faisions, et comme nous le faisions. Non, tout sera différent » avec son franc-parler il complétait : « Des grandes épreuves de l’humanité, parmi lesquelles cette pandémie, nous ressortirons meilleurs ou pires. Ce n’est pas la même chose. Je vous le demande : comment voulez-vous en sortir ? Meilleurs ou pires ?

Notre foi chrétienne est un sacré moteur au cœur de cette expérience déconcertante. Depuis plusieurs semaines nous nous retrouvons à la messe dans l’église mais placés, en communion mais à distance, heureux de recevoir le corps du Christ mais avec ce sentiment d’un manque de goût… Cela secoue nos habitudes, non ? Nous qui aimions depuis des années nous asseoir à telle place….Pour le prêtre qui célèbre, avoir devant soi une assemblée masquée est aussi une expérience troublante…. Spontanément je pense au peuple hébreu dans le désert privé d’une réelle stabilité, obligé de
planter ses tentes tout au long de ces 40 années, mais accompagné du Seigneur, éclairé et guidé par Sa Loi, soutenu dans l’espérance de la Terre promise.

Que souhaiter à chacun chacune au début de cette nouvelle année pastorale ? La paix, la confiance, un esprit de prière et une attention à notre prochain renouvelée ; éviter de se recroqueviller au risque de souffrir encore plus, oui sans aucun doute…je souhaite à tous un regard renouvelé sur sa propre vie en laissant l’Esprit du Seigneur scruter le fond de notre âme pour nous conduire à notre Sauveur. Encore et toujours nous avons à passer de l’homme ancien à l’homme nouveau. (cf Eph 4,17.20-24) Méditons cette exhortation de Saint Paul s’adressant aux Thessaloniciens au sujet de la venue du Seigneur Jésus : « Frères, que le Seigneur vous donne, entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous(…) Faites donc de nouveau progrès, nous vous en prions, frères, nous vous le demandons dans le Seigneur Jésus ». (Th 3,12-4,2)

Je termine avec les mots du P. Teilhard de Chardin s’adressant à une personne qu’il accompagne, mais au fond ses conseils peuvent inspirer tout groupe humain, notre Eglise, notre paroisse Saint Gabriel sur Maine : « On est souvent fatigué de soi, et on voudrait recommencer un travail « à neuf ». Voilà une servitude de plus, par où se manifeste en nous la Main créatrice de Dieu, – et qu’il faut accepter en esprit d’adoration, – sans oublier que le fond le plus sacré et le plus vivant de notre âme (sinon le cours de notre vie et l’enchaînement des habitudes) peut être en un instant renouvelé
et rajeuni par la grâce ! –Tu as raison de résister à la tendance, bien amèrement douce, de t’attendrir sur ton passé. Je connais bien cette pente…Oppose-lui la vigoureuse conviction que le bonheur et la Vie sont en avant, en Dieu. » Le bonheur et la vie sont en avant, en Dieu !

P. Jérôme Hamon