En cette matinée de printemps, lundi 29 mars, les rayons du soleil rasent les toits de la capitale auvergnate. L’un d’eux vient caresser la façade d’un bâtiment imposant, jonchée de banderoles à messages : « No culture, no future », « Bienvenue à toutes et tous »… Il s’agit du théâtre de La Comédie de Clermont-Ferrand, scène nationale, dont les locaux agrandis ont tout juste été terminés en septembre 2020. Planté au cœur de la ville, il est l’un des 90 lieux occupés en France par des acteurs du monde de la culture. Ici, depuis le 15 mars, ils se sont regroupés en un collectif : Culture en danger 63.
À peine dix heures sonnées, déjà une quarantaine de personnes ont attrapé des chaises pour former deux groupes de débat sur le parvis. Clélia, artiste plasticienne de 28 ans, anime l’un d’eux sur le « statut flou des artistes auteurs », différent de celui des intermittents du spectacle. La vingtaine de participants, parfois encore étudiants aux Beaux-Arts, échange. Hélène, sculptrice de 29 ans, alterne petits boulots alimentaires et phases de création depuis son diplôme. Elle explique : « Ce statut ne nous donne aucune garantie et nous isole. On ne peut ni toucher des indemnités chômages ni maladie. » Quand elle a entendu parler de cette rencontre, elle n’a pas hésité à se rendre à La Comédie, occupée pour la première fois.
A l’intérieur du hall massif, le collectif s’est organisé. Un garde-manger a été aménagé à gauche de l’entrée. Au fond, le coin dortoir, fait de tentes et matelas à même le sol, a été installé. Il accueille chaque soir une vingtaine d’étudiants, des membres d’un collectif de « teufeurs » et des techniciens.
Antoine, musicien de 31 ans, ne couche pas sur place mais « passe ses journées ici ». Au chômage depuis mars, il fait partie du « petit QG » communication et cogère les réseaux sociaux du collectif. Lucie, chanteuse et représentante CGT-Spectacle, gère les communiqués. Tous deux ont peu d’espoir que soit reconduite l’année blanche pour les intermittents. Elle permettrait pourtant de maintenir leurs droits d’accès au chômage après le 31 août. Ils espèrent qu’au moins, cela permettra d’amplifier le mouvement d’occupation « qui ramène un peu de vie et crée un espace politique nécessaire ».
Des revendications aux « contours élargis »
« Tous les copains de lutte sont les bienvenus », confie Sébastien Guerrier, musicien de 47 ans à la longue chevelure grise. Représentant CGT-Spectacle Auvergne, il est l’un de ceux qui ont instauré l’occupation, avec l’accord du directeur, Jean-Marc Grangier. Comme le mouvement national tente de le faire, il veut miser sur « la convergence des luttes entre tous les précaires ». Le collectif clermontois veut aller plus loin en dessinant des « contours élargis » à ses revendications.
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