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Malgré l’effet de la pandémie sur toute l’industrie financière, l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM) a fait preuve d’agilité permettant aux courtiers et aux conseillers en placement de mettre en place des solutions pour servir leurs clients.

Cette agilité et cette fructueuse communication transparaissent dans les résultats du Pointage des régulateurs 2021, un sondage en ligne mené auprès de responsables de la conformité de l’industrie financière en début de 2021.

Comme le montre le tableau plus bas, l’OCRCVM obtient ses meilleures notes pour les critères qui touchent la communication avec l’industrie, ainsi que pour son efficacité de son processus d’inspection et d’audiences disciplinaires. Ses moins bonnes notes portent sur sa capacité à tenir compte de l’impact financier de ses politiques sur l’industrie et à maintenir le fardeau de la réglementation à un niveau acceptable pour le représentant et la firme.

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La moyenne des notes de l’OCRCVM aux 17 critères d’évaluation s’est élevée à 7,5, l’organisme d’autoréglementation (OAR) retrouvant ainsi son sommet de 2019. Par rapport à 2020, l’OCRCVM a vu sa note augmenter de manière significative (+0,5 point sur 10) à 12 critères sur 17. Aucune note ne s’est détériorée en 2021 par rapport aux notes de 2020.

Les répondants au sondage ont émis bon nombre de critiques auxquelles l’OCRCVM a eu l’occasion de répondre dans l’article « L’OCRCVM à l’écoute ».

Nous avons demandé à des membres de l’industrie de commenter les résultats. Voici une partie de leurs réponses.

D’abord, la souplesse de l’OCRCVM durant la pandémie a été aidante, selon différents intervenants.

« Il faut souligner le travail colossal effectué par Claudyne Bienvenu et par l’OCRCVM, et ce, dès les premières heures de la pandémie. Nos deux organisations ont été en communication constante afin de permettre aux firmes de courtage d’opérer malgré la transition – forcée et brusque – vers un nouvel environnement (travail à domicile) », indique Annie Sinigagliese, directrice générale, relations gouvernementales et région du Québec, Association canadienne du commerce des valeurs mobilières (ACCVM), dans un courriel.

Comme elle le mentionnait dans l’article « Souplesse bien reçue », cet organisme d’autoréglementation (OAR) a fait preuve de souplesse, accordant des dispenses aux firmes afin de pouvoir continuer d’opérer efficacement. « L’industrie a soulevé plusieurs enjeux opérationnels liés à la pandémie. L’OCRCVM a bien compris ces enjeux, leurs impacts, et a rapidement trouvé des pistes de solution. Les firmes de courtage ont pu demander certaines dispenses. Elles devaient toutefois justifier leurs demandes », indique-t-elle.

Malgré la pandémie, l’OCRCVM était en contrôle, selon Paul Balthazard, vice-président et directeur régional, Québec, de RBC Dominion valeurs mobilières et président sortant du Conseil de la section du Québec de l’OCRCVM : « Dans la gestion au quotidien de la pandémie, je les ai trouvé vraiment impressionnants, note-t-il. Ils ont rapidement mis sur pied un comité ou groupe de travail à l’intérieur de l’OCRCVM pour gérer les demandes d’exception. »

« Ils ont écouté l’industrie, ils ont été ouverts d’esprit. Ils ont accepté que temporairement il y ait des exceptions », poursuit-il.

Paul Balthazard n’est donc pas surpris que la note moyenne de l’OCRCVM ait augmenté, mais estime qu’on l’a jugé durement considérant tous ses efforts. « On voit que ce n’est pas la relation d’amour totale entre l’industrie et ses régulateurs. »

Sylvain Perreault, chef de la sécurité du Mouvement Desjardins, amène un autre éclairage. « Dans l’ensemble, les participants du marché ont une vue positive des organismes qui les supervisent. Cela est aussi un signe de la vitalité et de l’intégrité du marché canadien qui a l’une des meilleures réputations au monde. Des notes trop parfaites seraient inquiétantes : les organismes de réglementation ne sont pas là pour plaire ! »

Paul Balthazard n’est pas étonné que les notes les plus basses touchent la lourdeur du cadre réglementation. Chaque crise, l’OCRCVM rajoute de la réglementation, sans pour autant en enlever. « Avec le temps, c’est là que ça devient lourd. Tu passes une partie de ta journée à répondre à des normes alors que tout le monde se demande d’où vient cette norme. »

Il donne l’exemple de la réglementation autour des comptes. Si, dans un ménage de deux personnes, chacun a un compte non enregistré, un compte REER, un CELI et un compte REEE, cela fait huit comptes différents. « Pour vous et votre conjointe, ça fait 8 ouvertures de comptes, avec 8 objectifs et 8 facteurs de risques. Quand vous allez voir un médecin, il vous fait un diagnostic pour vous en entier, pas un pour chaque partie de votre corps », compare Paul Balthazard.

Cette situation fait aussi qu’un tel ménage va recevoir huit rapports sur le rendement différents, découlant de la phase 2 du Modèle de relation client-conseiller (MRCC 2).

Cette dernière réforme a d’ailleurs alimenté un certain cynisme dans l’industrie selon Paul Balthazard. Non seulement a-t-elle engendré « une facture énorme » en technologie de l’information et en formation, mais on ne connaît pas encore son impact concret.

« Quand tu as ce type de nouvelle règlementation, il faut que l’OCRCVM soit meilleure dans l’avant [conception de la réforme réglementaire], mais aussi dans l’après [mesure de l’effet par rapport à l’objectif] », juge Paul Balthazard.

Selon lui, le MRCC 2 était empreint de « vices cachés », découlant de sa conception. Il met trop l’accent sur le rendement et sur les frais, mais pas assez sur la gestion des risques et l’atteinte ou non des objectifs financiers du client.

Le MRCC 2 a été malheureusement un exemple d’une situation où la réglementation était la même pour tous, mais l’impact financier a été différent en fonction de la taille des firmes, selon Paul Balthazard. Les régulateurs, dont l’OCRCVM, doivent s’assurer en amont que toutes les firmes peuvent gérer ce genre d’exigences.

« L’industrie du plein exercice, ça ressemble à un oligopole, mais on a besoin des plus petites firmes. Leur voix est importante », dit-il. Selon lui, l’OCRCVM analyse de plus en plus l’effet de l’impact financier dans leurs politiques et exigences réglementaires, « mais ce n’est pas leur critère numéro 1. »

Le clivage entre les petites firmes et les grands groupes financiers continue de s’accentuer, observe Sylvain Perreault : « Dans bien des cas, le poids réglementaire à lui seul peut menacer l’existence même de ces plus petites firmes. »

« Cette menace est inquiétante puisque les petites firmes ont un important rôle à jouer au sein de notre industrie », note Annie Sinigagliese.

« La gestion des règles et règlements provenant de divers organismes n’est pas une tâche facile pour les petites firmes. Ni pour les grandes. Une consolidation des organismes d’autoréglementation simplifierait grandement l’application de la réglementation pour les petites, les moyennes et les grandes firmes, tout en préservant la protection des investisseurs », poursuit-elle.

Il y a un véritable défi pour les organismes de créer un modèle de réglementation qui saura s’adapter aux différents modèles d’affaires tout en maintenant des standards élevés et communs pour tous, estime Sylvain Perreault. « Ce n’est pas une mince tâche. Il faut espérer que les réflexions des ACVM et de l’industrie dans le cadre des discussions sur la consolidation des OAR sauront apporter des réponses », estime-t-il.

Selon le Pointage des régulateurs 2021, l’OCRCVM obtient parmi ses meilleures notes pour l’efficacité du processus d’audience disciplinaire (8,2 sur 10). Toutefois, différents répondants déplorent les délais qui sont longs.

« Tout semble dire que les délais disciplinaires sont trop longs. C’est effectivement inéquitable pour ceux qui y font face. De plus, l’effet dissuasif devient diffus et n’améliore pas la perception du public envers notre industrie. Donc, du travail à faire de ce côté », juge Sylvain Perreault.

Après la fin de la collecte de données relatives au Pointage des régulateurs, l’OCRCVM a annoncé, le 8 avril, la Politique du personnel sur les offres de résolution rapide. Celle-ci vise à favoriser la résolution des affaires à un stade moins avancé du processus disciplinaire, à accroître l’application de la Politique du personnel sur la prise en compte de la coopération et à encourager les courtiers membres (les courtiers) à prendre rapidement des mesures correctives et d’indemnisation.

« Les courtiers et les personnes autorisées qui choisissent de résoudre une affaire par la voie d’une offre de résolution rapide bénéficieront d’une réduction de 30 % des sanctions que le personnel de la mise en application de l’OCRCVM (le personnel) réclamerait dans le cadre d’une entente de règlement, et leur affaire sera réglée plus rapidement que s’ils faisaient l’objet de la procédure disciplinaire envisagée », lit-on dans l’avis de l’OCRCVM sur la question.

L’OCRCVM obtient également une note relativement élevée des répondants pour l’efficacité de son processus d’inspection. Toutefois, un répondant indique que l’OAR effectue beaucoup de demandes et que le délai entre l’inspection et la production du rapport final est « trop long ». Un autre répondant juge que la pandémie a permis d’instaurer une bonne pratique, soit que l’inspection se fasse en partie sur place et en partie à distance.

« Nos membres semblent effectivement apprécier l’aspect hybride des inspections (sur place et à distance) », indique Annie Sinigagliese.

Par ailleurs, l’OCRCVM a obtenu une note de 6,8 sur 10 pour ses interventions en réponse aux changements technologiques dans l’industrie financière. « C’est un peu ingrat comme évaluation, estime Paul Balthazard. Je n’ai jamais senti que l’OCRCVM voulait freiner les développements technologiques. Ils veulent juste s’assurer que ça ne met pas à risque les investisseurs. »

Il souligne que, pour que la signature électronique puisse arriver à grande vitesse dans les pratiques des conseillers en 2020, l’OCRCVM a joué un rôle facilitant.

Fardeau réglementaire : une responsabilité partagée

Par ailleurs, les conseillers et les directeurs de succursales doivent faire attention avant de jeter trop rapidement la pierre au régulateur pour le fardeau réglementaire, selon Paul Balthazard : « Il y a encore beaucoup de confusion entre ce qui est imposé par l’OCRCVM et ce qui est imposé par ma firme. Ils ont tendance à davantage blâmer l’OCRCVM. »

Selon lui, la responsabilité du fardeau réglementaire est partagée entre cet OAR et les services de conformité des firmes. Ceci s’explique par le fait que la réglementation du secteur du plein exercice est basée sur les principes, ce qui laisse une certaine latitude aux firmes pour l’implanter.

Selon Paul Balthazard, ce cadre reste avantageux, même si cela entraîne moins de clarté. « Dans un monde qui bouge rapidement où on est frappé par une crise comme pandémie, il faut que l’on soit agile, flexible et rapide. Donc, c’est beaucoup mieux d’être réglementé en fonction des principes. On donne aux firmes et à l’industrie cette marge de manœuvre pour exercer leur meilleur jugement, tout en respectant l’esprit du principe. »