Une messe à Joliette honore la mémoire de Joyce Echaquan

Une messe à la mémoire de Joyce Echaquan a eu lieu samedi dans la cathédrale de Joliette. Le moment de recueillement est venu clore une semaine au cours de laquelle l’anniversaire de la mort de la mère de famille atikamekw a donné lieu à un débat houleux sur le racisme systémique au Québec.

Des babillements d’enfants ont résonné en même temps que l’homélie et les chants sacrés dans la cathédrale de Joliette en fin de journée, lors d’une messe à la mémoire de Joyce Echaquan et pour sa famille. Organisée par le diocèse de Joliette et la communauté atikamekw de Manawan, la cérémonie où se sont mêlés français et langue atikamekw a appelé à la guérison, à la justice et à la réconciliation.

L’ambiance était solennelle et emplie d’émotion dans l’enceinte plus que centenaire de la cathédrale. Présidée par Mgr Louis Corriveau et des membres du comité pastoral de Manawan, la cérémonie a été accompagnée tant d’un rite de purification à la sauge, de chants au son du tambour, de poésie et de danse que de prières et de témoignages.

Au moins 200 personnes étaient présentes pour l’évènement, rassemblant des membres de la communauté de Manawan et la population locale. La famille de la défunte – son conjoint Carol Dubé, ses enfants et ses parents – était sur place. Paul-Émile Ottawa, chef du conseil de bande de Manawan, Véronique Hivon, députée de Joliette, Suzanne Dauphin, mairesse de Notre-Dame-des-Prairies, ainsi que Luc Beauséjour, conseiller municipal de la Ville de Joliette, ont aussi assisté à l’évènement.

Ian Lafrenière, ministre responsable des Affaires autochtones, n’était toutefois pas présent. Il a pris cette décision parce qu’il « souhaitait laisser ce moment à la famille », a précisé son attaché de presse, Mathieu Durocher.

Rappelons que Joyce Echaquan, 37 ans, est morte le 28 septembre 2020 à l’hôpital de Joliette sous les insultes racistes du personnel soignant. La vidéo qu’elle a filmée peu avant de mourir a ébranlé tout le pays et est devenue le symbole de la lutte contre le racisme et les préjugés envers les Autochtones dans la province.

« Quand ils t’ont fermé les yeux, tu as ouvert les nôtres », pouvait-on lire sur une affiche dans le chœur de la cathédrale.

Des membres de communautés aussi éloignées qu’Obedjiwan, Schefferville et Pessamit se sont aussi déplacés pour l’évènement. « Quand c’est arrivé [l’an dernier], je n’étais pas là. C’était important pour moi d’être ici », a expliqué à La Presse Marceline Picard, Innue de Pessamit, qui a été à une certaine époque directrice de l’école secondaire de Manawan. « J’ai trouvé la cérémonie très sobre », a-t-elle ajouté.

Pour Manon Ottawa, Atikamekw de Manawan qui chantait pendant la messe, cette commémoration est « un petit pas aujourd’hui, mais un grand pas pour les générations futures ».

Une semaine marquée par de vifs débats

Les commémorations de la mort de Joyce Echaquan ont alterné la semaine dernière avec d’intenses débats sur l’existence du racisme systémique au Québec.

Vendredi, le rapport déposé à la suite de l’enquête publique sur le décès de la femme atikamekw par le Bureau du coroner recommandait notamment que le gouvernement de François Legault reconnaisse l’existence du racisme systémique dans les institutions publiques québécoises et s’efforce d’y mettre fin.

Le cabinet du premier ministre a indiqué qu’il ne commenterait pas avant mardi les conclusions du rapport « par respect pour la famille et les proches de Joyce Echaquan, ainsi que pour le travail de la coroner en chef », Géhane Kamel. Cette dernière ne prendra pas non plus la parole publiquement avant mardi, pas plus que la famille de Joyce Echaquan.

Québec maintient toutefois sa position sur la question du racisme systémique, ont indiqué en marge d’annonces vendredi Geneviève Guilbault, ministre de la Sécurité publique, et Éric Caire, ministre délégué à la Transformation numérique gouvernementale. « Sur le racisme systémique, je pense que tout a été dit. Notre position là-dessus, c’est qu’il faut lutter contre le racisme par des actions concrètes », a dit Mme Guilbault, à Québec vendredi.

Le Parti libéral du Québec et Québec solidaire ont pressé le premier ministre de revenir sur sa position. La cheffe libérale Dominique Anglade a affirmé que « si on ne reconnaît pas que les biais ont une incidence, notamment sur les communautés autochtones, on n’est pas capables d’avancer ».

« Un jour c’est Ottawa, le jour suivant c’est Québec, a tweeté vendredi Ghislain Picard, chef de l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador. Arrêtez de [vous] pointer du doigt. Personne n’est en position de donner de leçon à qui que ce soit. Vos ministères de la Justice s’activent jour et nuit pour réduire la portée du droit autochtone », s’est-il indigné vendredi.

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