n bio, le soufre reste la base de la protection contre l’oïdium. Et aujourd’hui, l’enjeu est d’en réduire les doses. Comment faire ? D’abord en mettant en œuvre la prophylaxie, puis en adaptant la dose de soufre à la pousse de la vigne, comme le rappelle Romain Baillon, conseiller au Gabbto (Groupement des agriculteurs biologiques et biodynamiques de Touraine). Ainsi pour un soufre mouillable homologué à 12,5 kg/ha, il conseille de débuter avec 3-4 kg au stade 6 à 7 feuilles étalées, puis d’augmenter progressivement la dose selon la végétation en allant, au besoin, jusqu’à 8 kg en cas d’apparition de symptômes en encadrement de floraison.
Dans le Sud, Nicolas Constant, ingénieur conseil chez Sudvinbio, préconise sur les zones indemnes de black-rot de débuter avec 2-3 l/ha de Flosul (un soufre liquide homologué à 4 l/ha), ou avec 4 à 6 kg de soufre mouillable, au stade 2 à 3 feuilles étalées pour les cépages à drapeaux ou 5 à 6 feuilles étalées dans les parcelles à historique et dans celles où il a des cépages sans drapeaux mais très sensibles à la maladie. Dans les autres situations, il invite à suivre les recommandations des bulletins locaux pour démarrer les traitements.
En revanche, en encadrement de fleur, les conseillers recommandent d’être très prudents. À cette période, la vigne est particulièrement sensible à la maladie. Les réductions de doses de soufre sont donc plus délicates. « Dix jours avant et dix jours après la fleur, il faut maintenir une bonne cadence avec une bonne qualité de pulvérisation », préconise Agnès Boisson, conseillère en viticulture biologique chez Bio Bourgogne, qui recommande 6 à 8 kg de soufre mouillable dans les parcelles peu sensibles et sans symptômes, et 8 à 10 kg dans les autres.
Si les viticulteurs veulent aller plus loin dans la réduction des doses de soufre, la solution est d’associer celui-ci à d’autres produits de biocontrôle. Bio Bourgogne mène des expérimentations en ce sens. En 2021, l’organisme a mené des essais en grandes parcelles sur un domaine bio, dans un contexte de forte pression. Les techniciens y ont comparé un programme classique à base de soufre à deux programmes soufre + autres biocontrôles, et à un témoin non traité. Les traitements ont démarré au stade 6 à 7 feuilles étalées. Début août, dans le témoin non traité, 100 % des grappes présentaient des symptômes avec une intensité d’attaque de 67 % en moyenne. Le programme classique (83,15 kg/ha de soufre au total) a montré une efficacité de 95 % par rapport au témoin. Les deux programmes soufre + autres biocontrôles (23,2 kg/ha de soufre au total) ont eu une efficacité de 67 et 77 %. Dans ceux-ci, les expérimentateurs ont appliqué trois Fytosave (COS-OGA), puis trois Microthiol (soufre) à 4 kg/ha. Ils ont poursuivi avec trois Taegro (Bacillus amyloliquefaciens), pour l’une des modalités, et par trois Sonata (Bacillus pumilus) dans l’autre. Pour finir, ces deux modalités (ainsi que le programme classique) ont reçu un Microthiol à 7 kg/ha, associé à un Armicarb (hydrogénocarbonate de potassium) à 3 kg/ha, puis un Microthiol à 10 kg/ha pour assainir la situation.
Selon Agnès Boisson, au vu de la très forte pression, un poudrage avec Fluidosoufre aurait peut-être permis d’obtenir une meilleure efficacité des programmes soufre + autres biocontrôles. Malgré tout, avec une efficacité de 77 % pour la modalité qui a reçu Sonata (et de 67 % pour celle qui a eu Taegro), cela reste intéressant. « Donc pourquoi pas appliquer d’autres biocontrôles en début et fin de saison pour réduire, voire remplacer le soufre. Ou alors tester des petites doses de soufre seules, quitte à passer sur un poudrage quand le témoin non traité s’affole », conclut la conseillère. En Touraine, Romain Baillon estime qu’en associant un autre biocontrôle au soufre, il est possible de réduire les doses de celui-ci de 20 à 30 % « Voir, en cas de pression faible à moyenne, de s’en passer ». Comme autres biocontrôles, il recommande en début de saison le COS-OGA, un produit qui se positionne en préventif. Et en cas d’attaque : l’Armicarb et l’huile essentielle d’orange, qui ont un effet curatif et séchant à positionner après la pluie contaminatrice. De son côté Nicolas Constant, ingénieur conseil chez Sudvinbio pendant vingt ans, qui rejoint L'IFV en février, cite les hydrogénocarbonates de potassium (Vitisan et Armicarb) reconnus pour leur efficacité.