Le futur hôpital le long de la rue d'Edmonton

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a annoncé où sera construit le futur Centre hospitalier affilié universitaire de l'Outaouais.

C'est finalement un «lieu central» qui a été retenu pour ériger le futur Centre hospitalier affilié universitaire (CHAU) de l'Outaouais. Le complexe de 600 lits comprenant plusieurs pavillons sera construit là où se trouvent actuellement un parc industriel et le poste de police du secteur Hull, le long de la rue d'Edmonton. Un projet dont les coûts pourraient atteindre trois milliards de dollars, que le gouvernement espère livrer d'ici dix ans.


Après un retard de plusieurs mois sur l'échéancier qui avait initialement été prévu, le gouvernement a confirmé, jeudi matin, qu'il optait pour un emplacement situé à la fois proche du corridor du Rapibus et de l'accès à l'autoroute 5.

Le terrain choisi s'étend sur 325 000 mètres carrés et longe l'autoroute 5 et le boulevard de la Carrière, entre les rues d'Edmonton et Adrien-Robert. En plus du poste de police, on y retrouve des ateliers municipaux de la Ville de Gatineau et de nombreuses entreprises, ce qui forcera un processus d'expropriation pour des dizaines de lots. Le gouvernement indique qu'il «procédera dans les prochains jours aux travaux pour mener à un décret de réserve l'imposition d'une réserve aux fins publiques sur le site retenu».

Le nouvel hôpital sera construit là où se trouvent actuellement un parc industriel et le poste de police du secteur Hull, sur la rue d'Edmonton.

Le ministre responsable de l'Outaouais, Mathieu Lacombe, a mentionné que ce vaste terrain donne une bonne marge de manœuvre pour la planification du «plus grand projet d'infrastructure du gouvernement du Québec dans toute l'histoire de la région». Il a comparé le site à «une toile blanche sur laquelle on va vraiment pouvoir peindre ce nouvel hôpital et tout ce qui va l'entourer, ce campus santé». Plus de 5000 employés y travailleront.

D'ici 2032

Présent à Gatineau pour l'annonce, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a fait savoir que le projet passe maintenant à l'étape du dossier d'affaires. Ce processus devrait mener au lancement d'un appel d'offres à l'été 2024. Après ça, il faudra compter «de six à huit ans» pour que l'hôpital soit prêt à soigner des patients, a-t-il mentionné.

Interrogé à savoir si l’échéancier évoqué est réaliste, M. Lacombe n’a pas voulu se prononcer. «C’est une question piège, ça, a-t-il lancé. […] J’ai répondu à cette question-là deux fois dans ma jeune carrière de ministre et les deux fois, j’ai été cité [comme quoi] je remettais en question l’échéancier parce que je disais qu’évidemment, on ne peut pas prédire l’avenir et qu’on n’est jamais à l’abri [d’imprévus], donc je vais me garder une gêne cette fois-ci.»

En fonction des besoins «reconnus» par les autorités, le nouvel hôpital devrait avoir une superficie de près de 275 000 mètres carrés. La présidente-directrice générale du Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Outaouais, Josée Filion, a mentionné au Droit que l'immeuble dédié à l'hospitalisation devrait compter entre huit et 11 étages. M. Lacombe a de son côté souligné que le gouvernement s'était fait «fortement déconseillé» d'aller vers un modèle de tour comme le Centre hospitalier universitaire de Montréal, ce qui aurait été nécessaire avec un site au cœur du centre-ville de Gatineau. «On arrive avec un site qui est un compromis [et] qui a tous les avantages du centre-ville, sans les inconvénients», a fait valoir M. Lacombe.

Fin des rumeurs

Cette annonce met fin à des spéculations qui duraient depuis de longs mois au sujet des terrains ayant le potentiel d'accueillir le futur CHAU de l'Outaouais, dont la construction avait été annoncée en octobre 2020. Selon nos informations, le bureau de projet du CHAU avait au départ recommandé un site du boulevard de la Technologie, dans le quartier des Hautes-Plaines. Quand cette information s'est mise à circuler, de nombreuses voix de personnalités de la région se sont élevées pour dénoncer cette possibilité, entre autres en raison des difficultés d'accès en transport en commun. Le ministre Lacombe avait même qualifié de «pelletage de nuages» les revendications pour une plus grande transparence dans le processus de sélection du terrain. Il reconnaît aujourd'hui qu'il n'aurait «pas dû» utiliser cette expression, en précisant qu'il ne souhaitait surtout pas «une consultation publique qui aurait duré des mois et des mois».

En tout, le gouvernement a analysé une trentaine de sites et s’est retrouvé avec une courte liste de six terrains. Il y avait celui du boulevard de la Technologie, celui derrière le Réno-Dépôt, celui où se trouve le Pilon, celui du Centre Robert-Guertin, celui du Centre Asticou et finalement, celui qui a été choisi.

Le ministre responsable de l'Outaouais, Mathieu Lacombe

Mathieu Lacombe a indiqué que le site Asticou «se démarquait» aux yeux du gouvernement, mais que la préférence de la Ville et son ouverture à laisser aller des terrains ont changé la donne. «C'est sûr que ça va coûter plus cher, mais en même temps, on a toujours dit qu'on ne se privera pas du meilleur choix parce que c'est un choix plus cher, a insisté le ministre responsable de la région. On construit un hôpital […] pour les 100 prochaines années.»

Vers la transition

Avec ses 600 lits, la nouvelle infrastructure permettra à la région d'obtenir un gain net de 240 lits.

Tout un processus de réorganisation sera fait dans le réseau régional en prévision de l'ouverture du CHAU. Selon ce qui est indiqué dans le plan clinique du CISSSO, l'Hôpital de Hull servira d'espace tampon pendant la transition. Sa mission future demeure toutefois indéterminée, puisqu'il reste bien des éléments à évaluer.

L’Hôpital de Gatineau est appelé à devenir un «hôpital communautaire de soins ambulatoires» avec une urgence et des unités de santé mentale. On y effectuera aussi des chirurgies d’un jour. La faculté satellite de médecine restera également sur place. À ce chapitre, la grande patronne du CISSSO ne prévoit pas de grandes modifications par rapport aux grandes lignes du plan clinique. Le Centre hospitalier Pierre-Janet deviendrait pour sa part un centre de réadaptation en dépendances.

Le CHAU réunira sous un même toit toutes les spécialités médicales, à l'exception de la santé mentale. Toujours selon le plan clinique, le CHAU devrait compter:

  • 348 lits de médecine
  • 173 lits de chirurgie
  • 67 civières à l'urgence
  • 32 lits TARP (travail-accouchement-récupération-postpartum)
  • 16 lits de néonatalogie
  • 25 lits de pédiatrie

Le CISSSO et le gouvernement devront aussi évaluer quels services pourront être améliorés ou développés d'ici à ce que le CHAU soit prêt. «C'est certain que d'ici l'arrivée du nouvel hôpital, il y a plein de choses qu'on ne pourra pas rapatrier des services qui sont donnés en Ontario, reconnaît Mme Filion. On est conscient de ça, amis notre objectif, c'est de rapatrier tout ce qu'on est capable de faire d'ici là.»

Pour Mathieu Lacombe, le futur hôpital représente «la solution» aux maux actuels du réseau régional «Dans l'intervalle, le CISSSO va nous proposer un plan de transition, [mais] on ne peut pas non plus faire de miracle», a-t-il mentionné.

Réactions

Tout en saluant le fait qu'on ait identifié un emplacement qui fait large consensus, la députée libérale de Hull Maryse Gaudreault, tient à nuancer plusieurs choses.

«C'est sûr que c'est une bonne nouvelle pour l'Outaouais, mais on va pouvoir être contents dans quoi, 12 ou 15 ans? Écoutez, ça aura pris cinq ans pour rénover l'école secondaire Mont-Bleu, ici à l'UQO on parle de dix ans pour un seul pavillon, alors imaginez ce grand hôpital. On a beau essayer de diminuer l'échéancier au maximum, il y aura de grandes expropriations qui vont avoir un impact important [sur l'échéancier], on parle de 750 employés de la Ville qui devront être relocalisés. Juste ces éléments-là, sans parler d'hôpital, c'est une question temporelle importante», a-t-elle dit.

Les libéraux assurent toutefois que le projet ne serait aucunement en danger si les libéraux reprennent le pouvoir.

«Ça valait la peine»

Quant à la Coalition pour un centre hospitalier accessible et durable en Outaouais (CCHADO), son discours contraste avec celui des derniers mois, puisque la satisfaction est palpable dans ses rangs. Le regroupement estime que les délais supplémentaires et les arguments qu'il a présentés ont pesé lourd dans la balance.

«On a réuni hier la Coalition et à 100%, les gens appuient cette décision-là. Ce qui est facilitant aussi, c'est qu'il y a une banque de terrains qui va être offerte par la Ville, ça va faciliter un peu la tâche», de dire l'ancien maire et président du Conseil régional de l'environnement et du développement durable de l'Outaouais (CREDDO), Marc Bureau.

Ce dernier admet que «c'est sûr qu'il va y avoir des défis» avec le site retenu, avouant qu'il ne s'attendait pas à autant d'expropriations, mais les avantages l'emportent au final, selon lui.

«On est près du Rapibus, les gens qui vont venir de l'extérieur vont pouvoir avoir des services d'hébergement, des centres d'achat, de la restauration, tout est là. Il y a beaucoup plus d'avantages à s'installer là. Même si c n'est pas au centre-ville, c'est très près», a-t-il soutenu, en ajoutant que la CCHADO ne sera pas dissoute et qu'elle continuera à militer au besoin dans d'autres dossiers régionaux.