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Le 24 mai 2022, la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français (loi 96) a été adoptée par l’Assemblée nationale. Cette loi vise à promouvoir davantage l’utilisation de la langue française et à réitérer la reconnaissance formelle du français comme seule langue officielle du Québec.

Elle a reçu la sanction royale le 1er juin 2022. Bien que les nouvelles règles entrent en vigueur dans des délais variables (allant de la date même de la sanction à trois ans après), plusieurs sont déjà en vigueur.

La loi 96 ne vise pas directement le domaine financier, mais les nouvelles exigences et restrictions qu’elle introduit l’affecteront. Ainsi, un investisseur ou dirigeant prudent devrait être au courant des changements qu’elle entraîne. La liste qui suit couvre quelques nouvelles exigences – pas toutes – de cette loi qui pourraient se répercuter sur le domaine financier.

La langue d’usage dans le domaine des affaires

La loi 96 introduit une obligation explicite pour les entreprises d’offrir des biens et services en français aux consommateurs. On peut s’attendre à ce que cette nouvelle exigence soit utilisée pour combler les lacunes des exigences existantes et qu’elle soit appliquée comme une obligation autonome.

Elle précise que tous les contrats d’adhésion devront être rédigés en français, sauf certaines exceptions limitées. Sous le nouveau régime, l’insertion d’une clause standard dans les contrats d’adhésion selon laquelle les parties ont convenu que le contrat ne serait rédigé et exécuté qu’en anglais ne suffit plus.

Les entreprises devront présenter une version française de ces contrats avant qu’une contrepartie adhérente puisse exprimer le souhait d’être liée par une version dans une autre langue. Dès qu’une version française du contrat a été présentée à une contrepartie adhérente et que celle-ci exprime néanmoins le souhait d’être liée par une version rédigée dans une autre langue, outre le contrat lui-même, les documents annexés à ce contrat pourront également être exclusivement rédigés dans cette autre langue. Cette disposition entrera en vigueur le 1er juin 2023.

L’exception pour les contrats de services financiers

La loi prévoit des exceptions restreintes à l’obligation de fournir une version française préalable des contrats dans le secteur des services financiers. En effet, les contrats d’emprunt et les contrats financiers visant la gestion de risques tels que les conventions d’échange de devises ou de taux d’intérêt ou encore ceux concernant l’achat ou la vente d’options sont visés par une exemption. Il en va de même des contrats conclus sur des plateformes de négociation de valeurs mobilières ou d’instruments dérivés, par exemple. Ainsi, pour ces types de contrats, la simple mention de la volonté des parties de contracter dans une autre langue que le français suffit. Une version française du contrat n’a pas à être présentée de manière préalable.

L’exemption visant ces produits financiers spécialisés a pour but de permettre aux entreprises québécoises de prendre part aux activités dans certains marchés spécialisés. En effet, en principe, dans la mesure où l’employé effectuant une transaction informatique avec la Bourse de New York, par exemple, est situé au Québec, le contrat sera réputé avoir été signé au Québec. Cependant, les contrats reçus dans ce contexte seront en anglais puisqu’ils auront été élaborés par des normes internationales.

La langue des documents des membres d’ordres professionnels

Conformément à la nouvelle loi, les membres d’ordres professionnels ont l’obligation de fournir, à la demande de toute personne autorisée à les obtenir, des traductions en langue française de leurs avis, rapports, rapports d’expert et autres documents. Si la personne qui demande la traduction est une cliente qui est une entreprise, cette dernière devra payer les coûts de la traduction. Si une entreprise a fait appel aux services d’un membre d’un ordre professionnel, l’entreprise doit payer les coûts de la traduction demandée par toute personne autorisée à obtenir les documents traduits. Cette disposition est entrée en vigueur à la sanction.

La langue des actes de procédure

Selon la loi 96, tous les actes de procédure soumis aux tribunaux par des entreprises doivent être rédigés en français. Si l’acte de procédure original est rédigé en anglais, il doit être accompagné d’une traduction française certifiée, aux frais de l’entreprise. La traduction doit être faite par un membre de l’Ordre des traducteurs, terminologues et interprètes agréés du Québec. Cette disposition est entrée en vigueur le 1er septembre 2022.

La langue des jugements de la cour

La loi 96 introduit l’exigence qu’une version française soit jointe immédiatement et sans délai à tout jugement rendu par écrit en anglais par une cour de justice lorsque le jugement met fin à une instance ou présente un intérêt pour le public. L’État prendra en charge les frais de ces traductions. Cette disposition entrera en vigueur le 1er juin 2024.

Il faut noter que la liste ci-dessus est non exhaustive. En effet, plusieurs autres nouvelles exigences sont introduites par la loi 96, lesquelles doivent être examinées dans leur entièreté.

Julie-Martine Loranger est avocate émérite, avec la collaboration de Me Kevin Pinkoski et de Nicole Andreina Camacho Chiodi, stagiaire en droit.

Le présent article ne constitue pas un avis juridique.