Répression en Algérie : dissolution de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme

Fiora Garenzi / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Paris, le 23 janvier 2023. La Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) a appris la dissolution par la junte algérienne de son organisation membre en Algérie, la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH). Si cette décision n’est pas surprenante, au regard du contexte algérien de fermeture de la société civile, elle n’en est pas moins extrêmement choquante et préoccupante. En particulier, les modalités de cette décision sont particulièrement ubuesques et en disent long sur l’absence d’indépendance de la justice en Algérie.

C’est par les réseaux sociaux que la LADDH a appris sa dissolution, vendredi 20 janvier 2023. L’organisme avait été tenu à l’écart de l’ensemble de la procédure, débutée le 4 mai 2022 par une requête introductive du ministère de l’Intérieur devant le tribunal administratif d’Alger, demandant cette dissolution. Le tribunal, toujours sans prévenir la LADDH, a statué le 29 juin 2022 en faveur du ministère, ne rendant publique cette décision qu’en septembre, sans toutefois la communiquer à la partie concernée. Une façon de faire curieuse, qui n’a jamais laissé aux accusé·es la possibilité de se défendre, ni même de prendre connaissance de ce qui leur est reproché avant vendredi dernier.

La plainte du ministère de l’Intérieur serait motivée par la non-conformité de l’organisation aux textes en vigueur régissant les associations. En réalité, il est évident que ces accusations ne reposent sur aucun fondement. C’est le rôle de défense des droits humains, de la liberté et de la démocratie qui est reproché à la LADDH. Son travail sur la question des droits humains, en collaboration avec d’autres instances et organisations internationales est d’ailleurs explicitement mentionné dans le texte du jugement.

Museler la voix des sans-voix

Depuis sa création en 1985, la Ligue algérienne de la défense des droits de l’homme a été la voix des sans-voix. Elle a toujours dénoncé la répression des opposant·es politiques, des manifestant·es pacifiques, des mouvements citoyens. Elle a soutenu les victimes et était aux côtés des plus démuni·es, en particulier les familles des migrant·es ou les minorités religieuses.

Le régime algérien continue ainsi sa chasse aux voix dissidentes. La répression de la société civile algérienne, notamment sa frange la plus proche du Hirak, ce grand mouvement pro-démocratie lancé en 2019, n’a pas commencé aujourd’hui. Il a touché des associations « pro-hirak » dont le Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), l’Association SOS Bab Eloued ou encore les médias indépendants comme la Radio Med et Maghreb Emergent, interdits par les autorités, dans ce qui s’apparente à un acharnement judiciaire continu. Cette nouvelle décision condamne ainsi le dernier témoin indépendant, reconnu par les instances internationales et actif pour la défense des droits humains en Algérie.

« L’acharnement que subit notre organisation en Algérie ne montre qu’une seule chose : la défense des droits humains fait peur aux régimes autoritaires. »

Alice Mogwe, présidente de la FIDH

« L’exemple algérien est frappant, mais ce n’est pas le seul. Il rappelle la dissolution d’une autre ONG membre de la FIDH et tout aussi emblématique : Mémorial, dissoute par l’État russe en décembre 2021. Le parallèle est frappant », déclare Alice Mogwe, présidente de la FIDH.

« La LADDH sait pouvoir compter sur le soutien sans faille de la FIDH, » déclare Yosra Frawes, responsable Maghreb et Moyen-Orient à la FIDH. « À travers la LADDH, c’est toute la société civile algérienne, ses activistes pour les droits humains, pour les droits des femmes, pour la démocratie et pour le droit à la mémoire des crimes passés que nous soutenons. »

« Avec la dissolution arbitraire de la LADDH , le régime algérien assume pleinement devant l’opinion nationale et internationale sa nature dictatoriale », déclare Aïssa Rahmoune, vice-président de la LADDH et de la FIDH.

« C’est une remise en cause des acquis démocratique de plusieurs générations de militant·es des droits humains, on ne va pas se taire. »

Aïssa Rahmoune, vice-président de la LADDH et de la FIDH
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