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Cisjordanie occupée: la ville de Huwara attaquée par des colons israéliens

Chaos total à Huwara, petite ville de Cisjordanie occupée, située au sud de Naplouse. Une centaine de colons israéliens y ont mené une expédition punitive la nuit dernière. « Un véritable pogrom », affirment des militants israéliens anti-occupation. Les colons ont incendié plusieurs maisons palestiniennes et mis le feu à des dizaines de voitures. Un Palestinien a été tué par balles et une centaine d'autres ont été blessés. Ces attaques sont survenues à la suite de la mort de deux colons juifs, abattus dimanche par un Palestinien à Huwara. Il est toujours en fuite. 

Un soldat israélien discute avec un colon israélien dans la ville de Huwara, près de Naplouse, en Cisjordanie occupée, le 27 février 2023.
Un soldat israélien discute avec un colon israélien dans la ville de Huwara, près de Naplouse, en Cisjordanie occupée, le 27 février 2023. AFP - RONALDO SCHEMIDT
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Avec notre envoyé spécial à Huwara, Sami Boukhelifa

« Cette nuit, c’était la guerre en bonne et due forme, témoigne Ali Abderahmane, secouriste au Croissant-Rouge depuis vingt-cinq ans. On ne pouvait même pas se déplacer pour secourir les gens. L’armée israélienne et les colons nous ont bloqué le passage. La ville suffoquait dans les gaz lacrymogènes et les fumées dégagées par les incendies. Je suis secouriste depuis 1999, et jamais je n’ai vu un truc pareil. Cette nuit, c’était la guerre, la guerre ! ».

Les habitants de Huwara sont encore sous le choc. Des familles entières ont failli être brûlées vives. Certaines ont d’ailleurs même dû être évacuées par l’armée israélienne. Des attaques indiscriminées, des maisons incendiées, une ville dévastée. Du jamais vu. Et pourtant, les expéditions punitives des colons, toute la Cisjordanie, tous les Palestiniens, y sont habitués. Mais des agressions de cette ampleur sont sans précédent.

Une cigarette dans une main, un café dans l’autre, Youcef, habitant de Huwara découvre ce lundi matin les dégâts laissés par une nuit de violences. Les colons ont tout détruit, tout brûlé. Ses voitures, mais aussi son camion-citerne, son gagne-pain. « Ils sont venus d’Itsar, de la colonie d’Itsar, raconte-t-il. Ils ont brûlé cette maison là-bas. Regardez plus loin, ils ont aussi incendié cette autre maison, il y a encore de la fumée. Quelle catastrophe, ils ont tout réduit en cendres, il y en a pour des millions de pertes. Et ils ont fait tout ça avec la protection de l’armée israélienne. »

Son frère Atta vient, lui aussi, témoigner. Il décrit une nuit d’horreur. Ses enfants sont traumatisés : « Les colons étaient armés. Ils ont tiré à balles réelles. Il y a eu des gaz lacrymogènes. Mes enfants n’ont pas fermé l’œil de la nuit. Ils sont terrorisés. Mon plus jeune fils n’a pas quitté mes bras, il est terrifié. Terrifié. On a assisté, impuissants, à la destruction de nos biens. Si vous osez vous interposer, ils vous tuent. »

Youcef, Palestinien de Huwara, découvre l’ampleur des dégâts ce 27 février. Les colons ont brûlé son camion-citerne, sa voiture et celles de ses frères.
Youcef, Palestinien de Huwara, découvre l’ampleur des dégâts ce 27 février. Les colons ont brûlé son camion-citerne, sa voiture et celles de ses frères. © Sami Boukhelifa/RFI

Une revanche aveugle

Une folie absolue. Une revanche aveugle. Deux colons tués hier par un Palestinien, et c’est une ville et tous ses habitants qui en payent le prix. Tous coupables. Qui a commencé en premier ? Qui est la victime ? Qui est l’agresseur ? Peu importe, c’est la soif de vengeance qui prend le dessus. « C’est excitant » de passer à l’acte, dit un colon israélien face caméra. Il se filme au cœur de la nuit, avec en arrière-plan Huwara en feu. Une mise en scène presque biblique. La colère, la fureur, qui s’abattent sur les hommes. Jouissif. « Les juifs ne sont plus réduits au silence », dit-il. 

Dans ce conflit israélo-palestinien qui dure depuis des décennies, il y a des phases d’accalmie et il y a des périodes de violences incontrôlées comme en ce moment. « Les uns et les autres se rendent presque coup pour coup », témoigne un habitant de Huwara ce lundi matin. L’armée israélienne mène des opérations meurtrières dans les villes palestiniennes, tuant combattants et civils innocents, et derrière, des Israéliens payent également de leur vie le prix de l’occupation. 

► À lire aussi : En pleins pourparlers à Aqaba, situation explosive à Huwara, en Cisjordanie

Huwara cristallise toutes les tensions

Le village palestinien est sur la route des colonies du nord de la Cisjordanie occupée. Ici, les colons font régner la terreur. Depuis des mois, ils font des descentes, frappent les Palestiniens, vandalisent leurs biens. Le tout sous la protection de l’armée. Impunité totale. Galvanisés par des ministres d’extrême droite actuellement au pouvoir, ils échappent désormais à tout contrôle.

« Cela fait huit mois que Huwara subit les attaques incessantes des colons, affirme Kamel Oudeh, secrétaire général du Fatah à Huwara, le parti au pouvoir en Cisjordanie occupée. Nous en avons compté 120. Ils viennent, ils détruisent, ils vandalisent avec la bénédiction des forces d’occupation. Mais l’attaque de la nuit dernière est sans doute la plus violente et la plus importante jamais vue. Regardez les photos et les vidéos, la ville est en feu. On pourrait presque croire qu’elle a été bombardée. Ils ont systématiquement tout incendié sur leur passage ; des maisons, des commerces, des infrastructures. Heureusement que certains de nos jeunes ont essayé de les stopper, ça aurait été pire autrement. Les colons sont venus d’Itsar. Cette colonie est la pire qui soit. Les colons d’Itsar sont les plus violents ».

« On ne se fait pas justice soi-même », leur dit Benyamin Netanyahu dans une tentative désespérée d’appel au calme. « C’est la nuit de Cristal », lui répond un élu arabe en référence au pogrom contre les juifs dans toute l’Allemagne nazie en 1938. 

Ce lundi matin, Huwara est déserte. En tout, environ 75 maisons ont été endommagées et une centaine de véhicules incendiés. « Tout restera fermé au moins trois jours », confie un habitant. Commerces, écoles, c’est le confinement forcé pour éviter de nouvelles attaques. 

Cette flambée de violence intervient alors que la Jordanie a accueilli hier une rencontre entre responsables de la sécurité israéliens et palestiniens qui se sont engagés à rétablir le calme en Cisjordanie. Un appel rejeté par l’extrême droite israélienne.

Depuis le début de l’année, plus de soixante Palestiniens ont été abattus par l’armée israélienne, ou par des colons juifs. Onze Israéliens ont péri dans des attaques menées par des Palestiniens.

Des colons israéliens ont mené une expédition punitive à Huwara dans la nuit du 26 au 27 février. Ils ont incendié plusieurs maisons palestiniennes et mis le feu à des dizaines de voitures.
Des colons israéliens ont mené une expédition punitive à Huwara dans la nuit du 26 au 27 février. Ils ont incendié plusieurs maisons palestiniennes et mis le feu à des dizaines de voitures. © Sami Boukhelifa/RFI

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