Agriculture

Pesticides : la France toujours très loin des engagements de réduction pris en... 2008

Pesticides : la France toujours très loin des engagements de réduction pris en... 2008
Un agriculteur pulvérise des produits phytosanitaires dans un champ de Méteren, dans le Nord. © PHILIPPE HUGUEN
La Première ministre a dévoilé ce lundi 28 février les grandes lignes d’un (nouveau) plan sur l’utilisation des pesticides. Après des années de tâtonnements stériles, un changement de logiciel semble s’imposer.

« La politique menée depuis 10 ans ne produit pas les résultats attendus. Il nous faut lui donner un nouveau souffle, car nous n’avons pas d’autre choix que d’aller vers une société moins dépendante des produits phytosanitaires ». Ces quelques lignes tranchantes ont été publiées sur Twitter, en janvier 2020, par la ministre de la Transition écologique. Son nom ? Élisabeth Borne.

Trois ans et quelques semaines plus tard, la même est justement chargée de mettre sur les rails un « plan de développement d’alternatives » pour les pesticides. Cette fois en tant que cheffe du gouvernement.

A la remorque

Le constat brut n’a pas varié : la France est toujours loin des objectifs qu’elle s’était assignés. Le premier plan dit « Écophyto » a été lancé en 2008. L’ambition couchée noir sur blanc est alors de réduire de 50 % le recours aux fongicides, insecticides et autres herbicides en dix ans. Écophyto II et son petit frère, Écophyto II +, sont depuis passés par là, avec un calendrier modifié mais une feuille de route confirmée.

Des centaines de millions d’euros d’argent public ont été dépensés. Pour quels effets ? En 2018, à l’horizon initialement fixé par Écophyto I, 84.607 tonnes de « substances actives » ont été vendues dans le pays, soit 32.980 tonnes de plus qu’en 2009 (*). Soit une progression de 32 %. . En 2021, d’après les chiffres officiels encore provisoires, le cumul est passé à 67.999 tonnes. C’est certes “moins pire” qu’en 2018, mais encore bien au-delà du niveau de 2009 (+12 %).

Le très controversé et décrié glyphosate suit la même courbe : il s’en est écoulé 6.421 tonnes en 2009, et 7.765 tonnes en 2021 (+17 %).

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Tout n’est pas noir pour autant. En l’espace de douze ans, le volume des produits « utilisables en biocontrôle et/ou en agriculture biologique » a par exemple été multiplié par quatre. Autre signal encourageant : les quantités de substances destinées aux cultures françaises et classées comme « cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction avérées ou supposées » ont chuté de 58 %. Pas suffisant, néanmoins, pour inverser l’appréciation générale et balayer le constat d’échec également dressé par la Cour des comptes, dans un bilan rendu public en février 2020.

Porte-parole et cofondateur de Générations futures, une ONG à l’avant-garde du combat contre les pesticides, François Veillerette ne cache pas son amertume. « Il faut tout reprendre de A à Z », dit-il. Ce militant chevronné a rencontré Elisabeth Borne à plusieurs reprises. À l’entendre, la Première ministre « a bien conscience que ça ne marche pas ».

Une nouvelle feuille de route

Pour sortir de l’ornière, la locataire de Matignon a donc demandé ce lundi aux ministres de l’Agriculture, de la Transition écologique et de la Recherche d’élaborer d’ici l’été une « nouvelle stratégie nationale ». Elle en a d’ores et déjà annoncé les grandes lignes : recherche « de nouveaux usages, de nouveaux outils et de nouveaux produits pour mieux protéger les récoltes, tout en préservant notre biodiversité » ; respect strict du cadre européen, « et rien que le cadre européen », « sauf quand la santé publique est menacée », afin d’éviter des « distorsions de réglementation pour nos producteurs » ; identification des substances « les plus à risque » d’être interdictes à l’avenir, dans l’optique de « mettre au point des alternatives, chimiques et non-chimiques, crédibles et efficaces ».

« Même si on est encore très loin de ce que l’on réclame, il y a des choses positives », juge François Veillerette, qui se félicite notamment de l’effort annoncé sur l’anticipation des retraits de produits. « Jusque-là, c’était zéro sur ce point, rien n’était préparé en amont. Les agriculteurs réclament de la visibilité et c’est normal. »

Toujours pas d'obligation de résultats

Mais pour le porte-parole de Générations futures, rien ne changera réellement, profondément, tant que « l’on n’instaure pas une obligation de résultats. Il faut fixer des objectifs détaillés par région et par culture, et dire par exemple, pour caricaturer : le blé, aujourd’hui, c’est 4 traitements ; dans 5 ans, c’est 3 ; dans 10 ans, c’est 2. Si, dans le même temps, on conditionne les aides et les subventions à ces objectifs, alors on pourra y arriver et espérer changer structurellement notre système de culture. Il faudra la carotte et le bâton… »

Néonicotinoïdes et S-métolachlore

Pour l’heure, le bras de fer féroce se poursuit entre les organisations de défense de l’environnement et la FNSEA. Les premières viennent d’enregistrer deux succès notables. En janvier d’abord, la justice européenne a interdit à la France de délivrer une nouvelle dérogation pour l’usage de semences de betteraves enrobées de néonicotinoïdes, toxiques pour les abeilles.

Mi-février ensuite, et sous la pression de Générations futures, l’Agence française de sécurité alimentaire a lancé une procédure de retrait contre le S-métolachlore, l’un des herbicides les plus utilisés dans nos champs de tournesol, de maïs et de soja. Motif : des concentrations excessives de cette substance et de ces dérivés chimiques ont été détectées dans les eaux souterraines « pouvant servir à la consommation humaine ».

L'un des pesticides les plus utilisés en France pourrait être retiré du marché

« Nous espérons maintenant une réaction en chaîne et une interdiction élargie au niveau de l’UE », avance François Veillerette. Déjà, la figure de proue des anti-pesticides se projette sur d’autres batailles : « Plusieurs produits dangereux arrivent sur le marché et sont tout près d’obtenir une autorisation européenne. Il va falloir être très, très vigilant. »

Textes: Stéphane Barnoin ; infographies: Nicolas Certes

(*) Dans dernier bilan, publié en novembre 2022, le ministère de la Transition écologique indique qu'"en dehors de cetaines séquences particulières (...), l'approche par niveau de vente est bien corrélée avec le niveau d'usage". Un autre indicateur a été mis au point par les pouvoirs publics pour suivre le recours aux pesticides : le Nodu, pour "nombre de doses unité". 

Bataille de chiffres entre la FNSEA et Générations futures

Sur son site Internet, l’ONG Générations futures reprend des propos attribués à la présidente de la FNSEA ce 21 février, lors d’une conférence de presse. Selon Christiane Lambert, la France n’autorise pas sur son sol "30 %" des substances actives homologuées en Europe. "C’est comme faire jouer le PSG avec 30 % de joueurs en moins, on est disqualifié d’emblée […] On lave plus blanc que blanc, certes, mais on est des héros morts", aurait-elle affirmé, pointant la concurrence déloyale que subiraient les agriculteurs tricolores.

Générations futures a refait les comptes en se plongeant dans les données de la Commission européenne. Conclusion, d’après l’ONG : avec "291 substances actives pesticides autorisées sur les 453" approuvées par l’UE (pour une moyenne de 220 chez les Vingt-Sept), l’Hexagone fait "partie des 3 pays disposant du plus grand nombre de matières actives pesticides". Les exploitants français pourraient donc en fait recourir à "32% de plus de substances actives pesticides autorisées que la moyenne des pays européens".

A lire. Pesticides, révélations sur un scandale français, de Fabrice Nicolino et François Veillerette, paru en 2007 (éditions Fayard). 396 pages, 20,30 euros.

Nous voulons des coquelicots, des mêmes auteurs, paru en 2018 (éditions Les Liens qui libèrent). 128 pages, 8 euros.

 


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5 commentaires

Patrick Jacquet a posté le 03 mars 2023 à 23h04

La France exporte 50% de sa production de céréales. En acceptant de moins produire, les céréaliers réduiraient leurs factures de pesticides. Certainement trop simple pour être envisagé?

Joie15 a répondu le 07 avril 2023 à 17h26 Tout á fait d'accord avec vous Patrick mais on est toujours dans le maximum de profit

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Zepat a posté le 03 mars 2023 à 09h57

En fait le problème c’est plutôt que tant que l’on accepte d’importer des produits de pays qui n’interdisent pas ces poison phytosanitaire alors le combat est perdu d’avance. Seul les grand laboratoire tirent leur épingle du jeu. Ils fabriquent les poisons et fabriquent aussi les remèdes contre les cancers créés par ces poisons. Eux ils sont gagnant gagnant.

Si vous saviez ? a répondu le 03 mars 2023 à 21h00 Si on ne produit plus, il faudra importer ? ( avec ou sans pesticides) . Élémentaire mon cher Watson ? L’avantage, la pollution, pas de ça chez nous ? Je me disais, et j’avais comme un doute, le Français est trop fort ? Pour combien de temps ?

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